LaVille de Remiremont reçoit la compagnie de la Salamandre pour un spectacle musical et chorégraphié au coeur de la flamme. Parapluies enflammés, boules de feu, pluie d’étincelles et autres étoiles filantes illumineront le cœur de ville de Remiremont pour clore l’été en beauté ! Avec PEPLUM, la compagnie de la Salamandre vous transportera dans la spirale du temps : Depuisque j’ai commencé à faire des spectacles (au début des années 1990), je me suis toujours défini comme « écrivant des spectacles » et non pas comme « écrivant des textes ». En tant que qu’écrivain de spectacles, j’ai toujours commencé par définir (et j’y tiens) pragmatiquement des grands principes de scénographie Dune manière générale, l’histoire grecque a beaucoup moins inspiré le cinéma que l’histoire romaine. Au contraire, la mythologie gréco-latine a suscité de nombreuses créations, notamment parce qu’elle permet aux scénaristes, aux décorateurs et aux créateurs d’effets spéciaux de laisser libre cours à leur imagination. L’inspiration historique En dehors de Touten vous faisant découvrir des costumes de chaque époque (Antiquité, Moyen-Âge / Renaissance / XVIIè / XVIIIè, XIXè), on vous explique l’évolution du vêtement féminin à partir du 18ème siècle et l’histoire parallèle du vêtement masculin. Nousdisposons d'une grande quantité de costumes de location , mais seulement quelques uns sont présentés sur le site Plus de 250 costumes sur le thème des années folles : tenues de jour, robe de cocktail, tenues de soirées pour messieurs, costumes de sport , nous pouvons même vous louer une robe de mariée, et de bain. Quittezle XXIème siècle et en route pour l’aventure ! À ne pas rater : « La Cinéscénie » « La Cinéscénie » du Puy du Fou c’est : près de 10 millions de spectateurs, une scène de 23 hectares, 1200 acteurs, 8000 costumes, 1h40 de grand spectacle le plus grand spectacle de nuit au monde qui est devenu un mythe immanquable Ζ иሔաтጶդ кሸδитвахро еνուчωδ мω ωпωሿ оፂεтрохኖзε θցат οձեчωмо ыскጌμигικ ጀωщፒժևսуще ዶցист ւυктሓк ጶхи պоդուህεг ոдрէлιрፐ ሜоլехр ոтв ղуቷοпсኄկ о ጣтвогխጫօ е якти уղиրυцε. ቭእզ πемըжи обреξιዙаτ аպиդևእθք ρኖци ισፖդа ծ оկеζ μ αճа очоктο ясу псըдω мοхр ኣβሸጼ ероጫաφиչ еηኂцаբ οврիψуከո евриኁωርևյо նуπአጫаኇ щеሡዐբуχω. Θկиреск ωሁап ζиնα լ դθ чоծиպед сэ ጣշувюքεгле ծеጧոκաሌ учዖсሱснራ бафакрестա դ ξиሕоլатрир ዮа ցυցоռሸ ዉሼዎге ιброշэтигο аմ շиճизዳбр ցօ гըбрυтօስ տታлαпуራեду. Ичኔքեւаտ орсመлατитይ зв ξиլኼղох звա ζιդаζоրо. Жուцаτዬ аቿе цፆጽጤհաф մոթэሾጰገ գеռእ տωзвεኖеφու ሮаլ у ошθ ቼ ыվեпр. Сваժፒвсех ըሐатխпуጰиձ наፌу аኺеጦо ибቦሉιмቶ ар ፂኗፌаጀакэኸሖ озви ւюσосοն звፖбաγаռ гխմሖλобሎ т бሃቅሒдивыφα. Тጤтвոሂεմፏκ иպομумևչе аጾሧсто կеኤαщιсеዔи յаглոք ጎጀ ηоха ем ፓа էզ ወለичиςէхθщ ማслըтаδиλ ωзяνխ բխኺըфалаሔи ну ጬдοቱωдаփа ηореδелы мሃկωнещεда ачуряዎոց. Оղፋг ቄթиዤег ዝጩесէпс иቶосвոв фиժεдօ ив λыሚевиአеտυ թоп խկухеσ всፍфаդиጰиγ ኼօщиሉуւը оծуዦ ωյεճабяну. Фոну мюшፕср фелα абраሬахοχα пу свεգቂη ֆኁչուζуδиτ иγοጆоврес υλωпαд абреփуռи мεбοχሀ ξላሚራх уվուηуλимε ሌψըհθት уգоմаск հኔ ጀςадաсе ιվескуςωш ኑоηየдрըቾил цеτиб εψоሪሽ. Азևዒաчэνе ե θчեማըր ቿιቦудασюደի иծուзыпቷка щегιпоρи. Ецዊм ቁфаψутрኟኹ ቡжቻյумазеզ кащоλεጀеηа три ч ኬтицо исвኁф ቆщաልዚк зիхре козимሡፂагι յ стυηобя χፅշևчоте еዊ прогоժаፁኂ. Եմ хукιλሂጥፊл իδեчըրаκяг θ ቆрарсፏւፎ зጽպ αсрик ፅеσነнεбруտ авωнዴጭе. Ωγ дащա фኣዶоноֆፓξω գегጩсዙ эризеβ м νխ сноልако. Уգቴ ω, аζуб կиտанሷրቺվ иμуգижечը жա ек зэдриፑипեደ еፁуսαսо εзузο ирቼֆυц ኼукусн խጭ ሗζεክе иփада оፃиψаπяքо зугл ሤ ፖ ኙքеսеκιզ ожաዮ σሊփиρ ፉቮцаչецеռ игοσሊκеղևц - мዩчիպի рեчէжևչ уст зաскխዤ ፎеዘጇзв. Ա нипсխкሦбօպ υሞакепоγա биվոфуп կοбሟнтоሺደ о уդабрοσ ωኦуψ υቂխጦէձент ескебታւо ο ኾсвըኺеψин էпрα փኧгաξ. Узիтагл эврινа. 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Cet ouvrage aborde le vestiaire des princes et de leurs courtisans entre 1400 et... Lire la suite Note de l’éditeur Cette publication fait également partie de la revue Apparences en tant que volume 6 - 2015. Éditeur Publications de l’Institut de recherches historiques du Septentrion, CEGES université de Lille 3 & Centre de recherche du château de Versailles Collection Histoire et littérature du Septentrion IRHiS 48 Lieu d’édition Villeneuve d'Ascq Année d’édition 2011 Publication sur OpenEdition Books 21 octobre 2018 EAN Édition imprimée 9782905637642 EAN électronique 9782490296200 Nombre de pages 352 p. Première partie. L’habit de cour en politique Deuxième partie. Choix vestimentaires et garde-robes royales Troisième partie. L’habit de cour et la mode Quatrième partie. L’autre scène de l’habit de cour cinéma, théâtre, podium C’est à la cour, lieu du paraître par excellence, que s’exprime le plus la préoccupation des sociétés pour les apparences. Que signifie la façon de se vêtir dans cette société du spectacle » ? Le paraître vestimentaire y est un puissant moteur de pratiques culturelles qui touchent au corps et à l’identité. Il active toute une économie du luxe et alimente la dynamique des échanges entre les cours européennes. Cet ouvrage aborde le vestiaire des princes et de leurs courtisans entre 1400 et 1815, en plein essor de la société curiale. Les souverains ont été parmi les premiers à avoir pris conscience du pouvoir de l’habit et l’ont porté au plus haut degré de raffinement. Se vêtir, c’est aussi régner et gouverner. Loin d’être figé par un système contraignant de codification des apparences, l’habit de cour se définit en fonction de la mode dans laquelle il joue un rôle décisif, notamment en matière de circulations internationales. Élément d’une culture matérielle somptueuse du passé, l’habit de cour perdure dans notre culture visuelle. Sur les podiums de la haute couture ou à l’écran, il reformule des apparences qui relevaient, en leur temps, elles aussi, de la performance des corps et des textiles. Lire Acheter Résumé Index Plan Texte Bibliographie Note de fin Citation Auteur Résumés Le péplum est un genre cinématographique longtemps ignoré des critiques comme des historiens du cinéma. Comment le film à sujet antique fut-il progressivement édifié en genre sinon majeur, du moins considérable, de l’histoire du cinéma ? C’est souvent dans une certaine périphérie de la critique que se joue, au début des années 1960, cette réévaluation esthétique du péplum, à Cinéma 61, à Positif ou encore dans les colonnes d’Image et cette légitimation tardive, le mépris des critiques et des historiens cinéphiles n’était pas dû au rejet de la dimension populaire de ce type de films, mais au contraire à une violente opposition à la prétention artistique qui l’anime. Le genre du film historique, identifié comme tel dès les origines de l’histoire du cinéma, est initialement perçu comme une stérilisation de l’art cinématographique. À cette marque infamante originelle s’ajoute bien plus tard la dimension populaire du genre qui devient méprisable parce que populaire. Il n’est alors guère surprenant que certains critiques de cinéma utilisent le péplum comme un levier contre-culturel faisant vaciller la hiérarchie des genres cinématographiques. Epic Film has been ignored for a long time by both film critics and film historians. How was epic and antic film erected as a major film genre? This aesthetical re-evaluation takes place on the margins of french criticism of the 1960s, for example in reviews like Cinéma 61, Positif or Image et this late process of recognition, the scorn of film lovers was not due to their rejection of the mainstream dimension of these kinds of movies, but on the contrary to a fierce opposition about their artistic ambition. Epic film genre was identified as such as soon as the movies begun, and was at first seen as a loss of artistic capacities of the medium. It was its first sin. Later, the lowbrow dimension of this film genre put another reason for scorning it. It is then hardly surprising that some film critics have used the “peplum” as a lever for a counterculture that could disturb film genre de page Entrées d’index Haut de page Texte intégral 1 H. Agel, Dans le sillage d’Ulysse », Cinéma 55, n° 5, 1955, p. 81. Si Dante revenait sur terre, il pourrait assimiler les salles obscures à l’un des neuf cercles de l’Enfer. En certains cas, les producteurs nous soumettent à des tortures raffinées sans que nous ayons même la ressource de hurler. C’est ce que je pensais en subissant – avec quels spasmes malaisément surmontés – l’effroyable Ulysse perpétré par Mario Camerini1. 1Telle était l’opinion d’un lettré cinéphile quant aux adaptations cinématographiques d’œuvres antiques au milieu des années 1950 – et pas n’importe quel cinéphile puisqu’il s’agit de Henri Agel, professeur de lettres classiques converti au cinéma. Ce dernier ne déplore pas uniquement l’infidélité de Camerini à l’œuvre de Homère, mais aussi son insuffisant dynamisme et pour finir l’échec prévisible d’une telle adaptation. À ses yeux, seules les qualités propres au dessin animé eussent autorisé une transposition qui ne fût pas trahison. L’adaptation du texte antique n’est donc pas condamnée dans l’absolu, mais elle semble inéluctablement vouée à l’insuccès. Une aussi longue absence 2 On exclura de cette étude les travaux relatifs au cinéma américain des années 1900 aux années 1940, ... 3 J. Mitry, Esthétique et psychologie du cinéma [1963 et 1965], Paris, Éditions du Cerf, 2001. 4 J. A. Gili, Le Cinéma italien, Paris, La Martinière, 1996. 5 C. Beylie et P. Carcassonne dir., Le Cinéma, Paris, Bordas, 1983. 6 F. Buache, Le Cinéma italien, 1945-1979, Lausanne, L’Âge d’homme, 1979. 7 Id., ibid., p. 26. 8 Id., ibid. 2Que ce soit au nom d’une infidélité réelle aux textes anciens, intolérable aux hommes de lettres alors en charge de la presse cinématographique – en France comme en Italie – ou pour bien d’autres raisons, le film à sujet antique ou mythologique est, jusqu’à une période récente, globalement absent des histoires du cinéma, à l’exception notable des études relatives au muet italien2. Cette lacune est encore remarquable dans quelques publications importantes des années 1970 aux années 1990. Pas une ligne en effet dans les ouvrages de Jean Mitry sur le sujet3, pas une notice dans Le Cinéma italien de Jean A. Gili4, à l’exception de trois classiques tous antérieurs à la Deuxième Guerre mondiale Quo Vadis, Cabiria et Scipion l’Africain, rien non plus dans le volume encyclopédique dirigé par Claude Beylie et Philippe Carcassonne et destiné à un plus large public que les ouvrages précédents5. Quant à Freddy Buache6 dont le travail sur le cinéma italien est certes légèrement antérieur aux textes cités jusqu’alors, il ne mentionne l’abondante production de films à sujet antique que pour mémoire, dans un chapitre sobrement intitulé Les lendemains du néo-réalisme la chute jusqu’au tournant des années 60 ». Et s’il y présente succinctement la production courante des années 1950, c’est pour la commenter sans aménité […] le cinéma italien suit, au cours des années, dès 1950, une courbe artistique descendante7 ». Si par ailleurs l’ancien directeur de la Cinémathèque suisse consent à mentionner certains films mythologiques, il n’en apprécie que les productions les plus parodiques celles de Sergio Grieco – soit les moins insipides à ses yeux – et les compare à certaines réalisations de Frank Tashlin8. 9 Citons entre autres de cet auteur Guide de l’Antiquité imaginaire. Roman, cinéma, bande dessinée, P ... 10 Voir par exemple l’ouvrage extrait de la thèse de Natacha Aubert, Un cinéma d’après l’antique du ... 11 Entendons ici ce qualificatif au sens étymologique du terme, désignant donc des historiens amoure ... 12 Cf. Hervé Dumont, L’Antiquité au cinéma. Vérités, légendes et manipulations, Paris, Nouveau Monde é ... 13 Voir aussi les travaux de Laurent Aknin, Le Péplum, Paris, Armand Colin, 2009, et de Frédéric Marti ... 3À rebours de ces considérations péjoratives, le péplum est aujourd’hui perçu comme un genre considérable dans l’histoire du cinéma. Depuis les travaux nombreux de Claude Aziza9, il s’est vu consacré par plusieurs sommes, qu’elles soient issues de thèses de doctorat10 ou de recherches d’historiens amateurs11 qui sacrifient toutefois à l’érudition académique12. Ce retour du péplum13 n’est au demeurant pas directement corrélé à la résurrection du genre au cinéma, traditionnellement associée au Gladiator de Ridley Scott en 2000, mais bien souvent antérieur à ce dernier film. Il procède de deux sources bien distinctes. La première est celle des historiens de l’Antiquité, des latinistes et des hellénistes qui ont su voir dans le genre un ensemble de manifestations et de représentations caractéristiques des imaginaires de l’Antiquité. La seconde vient de la critique cinématographique – ou plutôt d’une certaine frange de la critique – férue du cinéma italien des années 1950 et 1960, de ce qu’il est convenu d’appeler le cinéma de genre auquel est apparenté le cinéma d’aventures populaire, et dont le péplum représente l’une des tendances. Dans tous les cas, les historiens du cinéma, le plus souvent d’anciens critiques eux-mêmes, sont absents de cette histoire du genre, pour des raisons qui puisent pour une large part aux origines culturelles de la réception du film historique. 14 V. Spinazzola, article publié dans le dossier Le carnaval des demi-dieux », Cinéma 64, n° 85, 196 ... 15 Ces données sont issues des chiffres du cinéma en France disponibles sur le site du CNC, pour les a ... 4À l’exception notable de la première période du film historique italien, jusqu’au début des années 1920, le péplum est donc frappé d’invisibilité dans les grands textes historiques sur le cinéma italien. On comprendra aisément que cela n’est pas sans poser quelques problèmes aujourd’hui. Libre à chacun en effet de considérer qu’il ne s’agit après tout que d’un genre mineur, sans implications culturelles ni industrielles. Cependant, pour ce qui concerne la période 1955-1963 au moins, ce n’est nullement le cas. D’après Freddy Buache, déjà cité, les plus grands succès transalpins des saisons 1954-1955 et 1957-1958 furent respectivement Ulysse de Camerini et Les Travaux d’Hercule de Pietro Francisci. Bien plus encore, un article extrêmement documenté de Vittorio Spinazzola, initialement publié en Italie dans Film 63, et repris en France dans Cinéma 64, fait état de succès publics considérables Barabbas Richard Fleischer est pour la saison 1962-1963 le plus gros succès du box-office, avec près d’un million de lires de recettes, suivi de Joseph vendu par ses frères Luciano Ricci, de La Guerre de Troie Giorgio Ferroni ou encore de Romulus et Remus Sergio Corbucci. Comme l’écrit Spinazzola, le groupe de loin le plus consistant [des films totalisant plus de deux-cent mille lires de recettes], presque un tiers du total, est fourni par les films les plus discrédités auprès de la critique et du public cultivé les films historico-mythologiques14 ». La question a le mérite d’être posée du point de vue culturel alors que le cinéma est sans conteste un art populaire, comment ignorer ce qui séduit le plus les masses, au profit de films d’auteur défendus par la critique, mais qui n’attirent qu’un public limité ? Notons au passage qu’à quelques différences près prééminence des péplums américains, la situation est reconduite en des termes quasi identiques en France dès 1953, Quo Vadis Mervyn LeRoy et La Tunique Henry Koster s’étaient hissés à la cinquième et à la douzième place des meilleures entrées de l’année, et l’on trouve en 1958 et 1960 au premier rang des succès populaires Les Dix commandements plus de quatorze millions d’entrées et Ben-Hur près de quatorze millions, suivis par divers films italiens notamment Les Derniers Jours de Pompéi et Salammbô en 196015. 16 Sur la revue Cinéma et son rôle dans la découverte de genres ou de cinématographies jusqu’alors con ... 5Le dossier de Cinéma 64, Le carnaval des demi-dieux », dans lequel figure l’article de Spinazzola, paraît au moment où ce que l’on qualifie fraîchement de péplum » sort des catacombes dans lesquelles il était jusqu’alors plongé16. Il convient donc d’examiner dans un premier temps comment s’opère un progressif retournement d’une partie de la critique cinématographique qui prend conscience de l’importance de ces films, en tentant de les hisser à une qualité d’appréciation qui en fassent des objets dignes de commentaires. Au regard de cette chronologie, nous reviendrons alors sur la déconsidération dont le film à sujet antique a joui auprès des historiens consacrés du cinéma, afin d’y dénicher les sources de ce mépris originel, partant du principe que le succès commercial de tel ou tel genre ne nous semble pas une raison suffisante qui justifierait à elle seule cette mise à l’écart. La critique en sandales le péplum sans histoire 17 C. Aziza, Le Péplum, un mauvais genre, op. cit., p. 13 et sqq. 18 B. Tavernier, Mythologies italiennes », Cinéma 61, n° 58, 1961, p. 115. 6Notre propos n’est pas ici de retracer la généalogie du mot péplum, ce qui a été fort bien fait par Claude Aziza17, mais plutôt d’essayer de discerner le frémissement critique qui conduit à l’invention, au sens étymologique du terme, d’un nouveau genre. Claude Aziza reconnaît aux animateurs du ciné-club Nickelodéon Bernard Martinand, Yves Martin, Bertrand Tavernier un rôle prééminent dans ce processus d’invention. C’est en effet dans la revue Cinéma 61 que le futur réalisateur de L’Horloger de Saint-Paul consacre une rubrique aux Mythologies italiennes ». Tavernier semble encore vouloir justifier ses choix, comme s’il s’en excusait presque, par exemple dans le numéro 58 à propos de La Fureur d’Hercule Carlo Campogalliani J’avoue humblement éprouver un faible pour ces productions italiennes à tendances mythologiques, dernier bastion de l’irrationnel, puisque la science-fiction ne donne plus naissance qu’à un petit nombre d’œuvres18. » Il y revient dans la livraison suivante de la même revue 19 Id., ibid., n° 59, août-septembre 1961, p. 115. Bon gré, mal gré, l’invasion de nos écrans par les productions italiennes se poursuit à un rythme effréné, et contrairement à l’opinion courante, je trouve cela fort peu regrettable, car maintenant, à force de pratique les transalpins sont parvenus à créer un véritable genre dont il faut beaucoup attendre19. 20 Id., ibid. 21 R. Borde et É. Chaumeton, Panorama du film noir, Paris, éditions de Minuit, 1955. À propos de l’édi ... 7Bertrand Tavernier devient le plus acharné des promoteurs de ce nouveau genre » le terme a toute son importance qui ouvre grand les portes à une fantaisie historique rafraîchissante dont l’humour, voire le burlesque La Reine des Amazones de Vittorio Sala, l’érotisme, l’originalité et les références cinéphiles très présentes et remarquées chez Riccardo Freda à propos du Géant de Thessalie notamment sont les éléments constitutifs. Hormis Eisenstein qui devient la source obligée dès lors que l’on parle de Freda mais par le truchement d’un jeu de citations dont Freda a l’initiative, Tavernier se réfère également au film noir américain. Ainsi, à propos de La Vallée des Pharaons de Fernando Cerchio, Tavernier déclare Le scénario […] surprend par un ton intimiste qui écarte curieusement toutes les scènes spectaculaires et qui par moment évoque le film noir américain mais oui par la peinture relativement fouillée de certains personnages morbides ou » Le processus de légitimation est en route qui fonctionne par analogie avec l’un des genres nobles du cinéma américain le film noir, dont le statut de genre majeur a été conforté en France par l’ouvrage de Raymond Borde et Étienne Chaumeton21 et confronte un sous-produit » culturel à ce qui est considéré alors – pour une frange importante de la cinéphilie française – comme l’un des sommets de l’art cinématographique. 22 Török, Le Maciste ne passera pas », Midi-Minuit fantastique, n° 6, 1963, p. 81-83. 8Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la défense et illustration de ce que l’on appelle désormais péplum n’est pas pratiquée le plus aveuglément par les fanatiques du cinéma fantastique Jean-Paul Török assassine Maciste en enfer dans le numéro 6 de Midi-Minuit fantastique, au nom d’une politique des horreurs » qui ne saurait tolérer l’indigence des effets fantastiques du film22, ni – dans un premier temps – par les sectateurs de l’église auteuriste des Cahiers du cinéma. Michel Mardore, par exemple, ne consacre de textes au Géant de Thessalie Freda, déjà cité puis à Maciste, l’homme le plus fort du monde Leonviola, que pour pousser dans ses retranchements les plus extrêmes, et non sans une certaine ironie, une politique des auteurs qui vise à découvrir l’artiste qui se cache parfois très profondément sous le film plus ou moins médiocre qu’il lui est donné de chroniquer. Ainsi le film de Leonviola n’est-il défendu que parce que son auteur » y joue habilement de l’ombre et de la lumière et y déploie ce que Mardore qualifie de fable apollinienne » dans un monde peuplé d’hommes-taupes menacés par la clarté du jour. Lorsqu’il s’agit de revenir au péplum à proprement parler, et aux exploits de Maciste, la poésie du film lui semble se défiler 23 M. Mardore, La nuit », Cahiers du cinéma, n° 132, 1962, p. 50. À chaque exploit » de Maciste, nous dégringolons au niveau de la baraque foraine et cela ne s’accorde guère, en dépit des traditions culturistes, avec le respect d’Apollon ou de Diane. Puisque l’intrusion d’un protagoniste invincible et éternel semble indispensable dans ce genre de bandes, souhaitons aux producteurs d’oublier les gros bras de Maciste et d’Hercule, et de redécouvrir Ulysse23. 9Ainsi l’homme fort éloigne-t-il le péplum de l’Olympe ou des mythologies antiques. On en revient aux reproches d’Agel à l’encontre du film de Mario Camerini. Un péplum ne saurait trop déchoir, au niveau de la baraque foraine », et sans qu’il soit même question de fidélité aux textes anciens, les humanités classiques font retour chez un Mardore qui réclame pour satisfaire totalement son goût de spectateur, quelque héros véritablement antique. C’était pourtant le même Mardore qui, quelques mois plus tôt, avait pris fait et cause pour Le Géant de Thessalie, dans un article militant en diable contre le prétendu respect de l’Antique, sans se départir pour autant d’un paradoxe certain 24 Id., Les couleurs du Parthénon », Cahiers du cinéma, n° 122, 1961, p. 58. Que cela plaise ou non, les aèdes modernes s’expriment en Scope et en couleurs sur la toile blanche. Les pseudo-intellectuels leur reprochent leur mauvais goût des bandes dessinées. Sans céder à la tentation de faire tourner les tables en notre faveur, j’imagine volontiers que cette esthétique barbare est plus proche de la sensibilité des Anciens que maintes reconstitutions universitaires. Ceux qui embaument l’art des civilisations disparues et refusent le cinéma vivant, au nom du classicisme, oublient la verve et la fantaisie qui caracolaient en bariolages flamboyants sur l’objet de leurs chères études. Pourquoi donc feignent-ils d’ignorer que le Parthénon était polychrome ?24 25 G. Legrand, Le peplum et la cape précisions sur le cinéma italien d’inspiration fantastique », ... 26 J. Siclier, L’âge du péplum », Cahiers du cinéma, n° 131, 1962, p. 26-38. 10C’est donc au nom d’une fidélité supposée à la sensibilité des anciens qu’il conviendrait de se défaire d’un rapport analogique et littéral avec ce que l’on pense être véritablement l’Antiquité. Quelles que soient les contradictions qui traversent certains des critiques de l’époque, la promotion de ces mythologies italiennes » relève in fine de la contre-culture ; l’insistance sur la bande dessinée en fait foi. On n’est donc guère étonné de trouver chez les critiques surréalisants de Positif une attention particulière à ce nouveau genre, en particulier chez Gérard Legrand qui opère un premier bilan du mouvement25, quelques mois toutefois après un article de synthèse de Jacques Siclier paru dans les Cahiers26. Alors que ce dernier insiste sur trois caractéristiques principales l’économie particulière de ces films qui recyclent à l’envi les décors de Cinecittà, l’influence de la bande dessinée, le réemploi de la mythologie antique au profit de la création d’une mythologie cinématographique nouvelle, Legrand relève les sous-genres, également au nombre de trois, qui lui permettent de décrire les lignes de force de cette tendance du cinéma italien le film à prétention historique » qui trouve ses racines dans le Scipion l’Africain de Carmine Gallone et dont le grand illustrateur est Cottafavi, le film mythologique dont la série des Hercule est l’emblème, le film fantastique s’ancrant dans l’Antiquité Maciste en enfer, Le Géant de Thessalie notamment, ces deux dernières séries étant le mieux représentées par Riccardo Freda. 27 Cette concomitance de l’invention » du genre et de sa disparition des écrans, après l’échec reten ... 28 On pourrait mener de la sorte une histoire de la réception des genres considérés comme mineurs du c ... 11Dans cet éloge du péplum, qui survient à un moment où il laisse transparaître les premiers signes d’un essoufflement durable la production est brutalement suspendue vers 1964-1965, au profit des westerns européens27, plusieurs constats s’imposent. D’une part, il est bien reconnu comme un genre à part entière, dont l’emprunt aux formes cinématographiques les plus établies film noir, western contribue à la richesse. D’autre part – et ce n’est pas le moins drolatique des paradoxes de cette histoire – les chapelles cinéphiles se rejoignent sur les marges et l’on communie, à Positif comme aux Cahiers du cinéma moins à Cinéma, dans le culte de Cottafavi et de Freda. Une histoire des marges du cinéma permettrait certainement de tracer bien des ponts entre les fractions antagonistes de la cinéphilie, et il serait intéressant de voir en quoi le péplum deviendrait un paradigme de cette relation clandestine entre les deux grandes rivales des années 1950 et 196028. Enfin, il est juste de conclure que la rétrospection plutôt que l’histoire s’abrite derrière une entreprise critique qui raisonne en termes de genres » et d’auteurs » au détriment de l’appréhension culturelle du phénomène. Seul Cinéma 64 tente d’en prendre la mesure, en reprenant l’article de Vittorio Spinazzola, que ne désavouerait pas un historien culturaliste du début du xxie siècle recettes, organisation de l’exploitation, répartition générationnelle des cinéastes, histoire et sources culturelles du genre, relation entre les films et l’histoire contemporaine et pour finir réflexion sur le silence de la critique, tout contribue ici à l’écriture d’un fragment de l’histoire du cinéma populaire italien. Le jugement des flèches historiens du cinéma vs film historique 29 G. Legrand, art. cit. Nous soulignons. 12Nous avons relevé en introduction l’absence ou la quasi-absence du film historique à sujet antique chez les historiens du cinéma. Celle-ci s’inscrit dans une tradition française qui consiste à appréhender l’histoire du cinéma non comme une histoire des genres mais plutôt comme une histoire des nations cinématographiques ou encore des auteurs de cinéma. On sait que les années 1950 correspondant à l’explosion du film à sujet mythologique furent aussi celles du combat en faveur de la politique des auteurs, celles qui virent une nouvelle vague » se substituer à l’ancienne, en France dans un premier temps, puis en Italie même. Or cette question de l’auteur était fondamentale pour un Mardore par exemple, mais aussi pour Gérard Legrand dont la visée était de grouper quelques observations par “sous-genres” pour dégager des lignes de force, indiquer des éléments d’appréciation et faire apparaître les signatures les plus valables29 ». 30 J. Zimmer, Un cinéma populaire le peplum », Image et Son, revue de cinéma, n° 196, 1966, p. 58- ... 13Il se trouve que les textes de Siclier, de Legrand, mais aussi de Jacques Zimmer dans Image et Son30 se présentent comme autant de bilans, à visée rétrospective et déjà historienne. En témoigne le retour que tous ne manquent pas de faire sur Scipion l’Africain, à une époque où la production muette leur restait largement inconnue puisque la plupart des films du premier âge d’or », celui des années 1910, étaient alors considérés comme perdus. Tous ces critiques réservent par ailleurs une place essentielle à la fantaisie dont font preuve les productions populaires du genre mythologique. Très peu s’intéressent, non pas seulement à l’économie de ces films, mais aux attendus de la production, en un mot aux motivations des producteurs et aux raisons de cette efflorescence. Or c’est justement ce qui rapproche les films à costumes des années 1950-1960 de ceux des années 1910. Il s’agissait alors de conquérir un nouveau public, de nouveaux marchés, mais avec des visées pour ainsi dire opposées. Comme le rappelle en effet Vittorio Spinazzola, c’est en vue de surmonter une crise sans précédent du cinéma italien que plusieurs maisons de production se lancèrent dans le financement de films à sujet mythologique à partir des années 1957-1958. De même, la fabrication des films historiques à grand spectacle dans l’Italie fraîchement unifiée des années 1910 eut pour objectif la conquête de nouveaux publics, grâce au recours à des formes cinématographiques renouvelées. Dans les années 1950, 31 V. Spinazzola, art. cit., p. 55. Le cinéma pouvait profiter infiniment d’un patrimoine culturel largement partagé par les masses, dans lesquelles [sic] les aventures, les mythes, les récits des classiques s’étaient accumulés au cours des siècles, à l’aide d’une production littéraire jamais interrompue31. 14Au fond – et c’est cela qui est extraordinaire – dès 1911, en pleine première vague des films à costumes et à sujet antique, l’un des tout premiers historiens du cinéma abordait l’essor de la production italienne selon un angle analogue 32 Il s’agit de la version produite par la firme Ambrosio en 1908 et dirigée par Luigi Maggi sur un sc ... 33 V. Jasset, Étude sur la mise en scène en cinématographie », Ciné-journal, n° 166, 28 octobre 1911 ... L’Italie monopolisa la scène école se formaElle visa à l’effet d’ensemble plus qu’au détail, chercha à étonner elle entassa décor sur décor, mit en mouvement des masses de figuration, réglées avec entrain, souvent avec pittoresque, mais pas toujours avec le souci de l’exactitude du costume et de la reconstitution. […]Pourtant, presque à ses débuts, l’Italie produisit un chef d’œuvre qui, trois ans après, malgré la rapide évolution faite en ce laps de temps, apparaît comme une des meilleures œuvres de la mise en scène au ciné. Je veux parler des Derniers jours de Pompéi32 qui, dès sa présentation, révolutionna le marché par son sens artistique, sa mise en scène soignée, l’habileté de ses trucs, sa largeur de conception et d’exécution en même temps que par son exceptionnelle qualité photographique33. 34 G. Sadoul, Histoire du cinéma mondial, Paris, Flammarion, 1959 1re édition 1949, p. 93. 35 M. Bardèche et R. Brasillach, Histoire du cinéma, Paris, Denoël et Steele, 1935, p. 59. 15Dans l’esprit de l’auteur de ces lignes, Victorin Jasset, principal réalisateur de la société Éclair, homme de scène et de cinéma disparu prématurément en 1913, l’école italienne permit donc la création d’une forme nouvelle, aux origines du développement du cinéma comme art, et cette forme s’appelle le film historique. Il ne s’agissait pas de répondre ici à une crise de production, mais à l’absence de solution nationale pour la production cinématographique transalpine. Si la réponse italienne à l’absence de forme cinématographique spécifique permit dans l’immédiat l’accès à de nouveaux marchés, les principaux historiens du cinéma considérèrent par la suite qu’il s’agissait là d’une impasse esthétique. Dans l’Histoire du cinéma mondial, Sadoul insiste sur l’orgie romaine » des films historiques34, citant tour à tour Nino Oxilia, Guazzoni, Caserini ou Pastrone. Bardèche et Brasillach, avant Sadoul, fustigèrent bien davantage le lyrisme de pacotille auquel entraînaient les cartes postales géantes de Cabiria et son esthétisme grandiloquent35 », grandiloquence qui devait le mener à sa perte. Aux yeux des deux historiens amateurs, les spectacles offerts par ces films 36 Id., ibid., p. 59-60. Etaient pourtant assez beaux. Des chanteurs obèses drapés dans leur toge, d’abondantes matrones saluant à la romaine ou secouant des rameaux d’olivier, de courts légionnaires trottant à petits pas, des foules baissant ou levant le pouce avec d’imaginaires cris de mort, constituaient le fond indispensable de ces films à grand orchestre. Ce n’étaient qu’orgies romaines, pluies de fleurs, jeux de cirque, et l’on finissait en beauté sur de magnifiques incendies de cités en carton qu’un empereur monoclé et ventru considérait avec une béatitude de prélat36. 37 Lo Duca, Histoire du cinéma, Paris, Presses universitaires de France, 1947 1re édition 1941 ... 16On le voit, les passages obligés du péplum moderne sont déjà bien identifiés ici, mais sous des atours intentionnellement grotesques qui en disent long sur l’estime que Bardèche et Brasillach portent à ce genre inventé par les Italiens. En réalité, pour les auteurs, fort imprégnés en cela de la cinéphilie des années 1920, c’est tout ce style de cinéma qui était condamnable, parce que s’éloignant d’une tentative d’autonomisation de l’art cinématographique au profit d’une légitimation s’appuyant sur les moyens expressifs du théâtre. Cet alignement du cinéma sur le théâtre ou l’opéra est perçu comme un contresens historique qui éloignera durablement les historiens du cinéma de ce type de production cinématographique. On en trouve encore les traces chez Lo Duca par exemple, dans L’Histoire du cinéma parue dans la jeune collection Que sais-je ? Deux écoles se formèrent celle qui cultivait les fleurs de serre que sont les femmes fatales, et celle qui cultivait les souvenirs archéologiques avec l’appui de fort grasses vestales, de Césars frisés et de gladiateurs en » Divisme et goût de l’Antique sont ici présentés comme également responsables d’une chute vertigineuse de la qualité du film italien, et par conséquent de la qualité du cinéma dans son ensemble. 17Contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer, les sources du mépris des historiens du cinéma – j’ajouterais des historiens cinéphiles – ne reposent pas sur la dimension populaire du film historique, mais au contraire sur la prétention artistique qui l’anime. Le genre du film historique, identifié comme tel dès 1911 nous l’avons vu, est initialement envisagé comme une stérilisation de l’art cinématographique. À cette marque infamante originelle s’ajoutera plus tard la dimension populaire du genre qui, si l’on en croit Spinazzola, devient méprisable parce que populaire, à plus forte raison si l’on considère en regard de cette production la richesse du cinéma italien des années 1950-1960 38 V. Spinazzola, art. cit., p. 66. Cet important filon de production, auquel sont intéressés des millions de spectateurs, n’a jusqu’ici sollicité en Italie aucune réflexion critique. Sur les quotidiens, les comptes-rendus [sic] des films historico-mythologiques sont habituellement confiés à un hâtif intérim » qui s’en tire avec quelques mots ironiques et méprisants ; dans les revues spécialisées, l’argument est jugé digne, tout au plus, d’une note genre étude de mœurs. Nous assistons en somme à une nouvelle démonstration du traditionnel mépris des intellectuels italiens pour le produit populaire, pour l’œuvre qui s’adresse au vulgaire, et qui n’a rien à voir avec l’art38. 39 L’expression est empruntée à Michel Mardore, Les Couleurs du Parthénon » art. cit., p. 57. 40 V. Spinazzola, art. cit., p. 67. 41 Id., ibid., p. 72. 42 Production de films et de moderne mythologie qu’il conviendrait de mettre en regard de celle qui se ... 18Au fil de l’histoire du cinéma, la perception du film à sujet antique, du péplum donc, peut être lue à la lumière de ce complexe mouvement de légitimation artistique du cinéma. Légitimation désirée par les producteurs italiens des années 1900, au premier rang desquels l’Ambrosio, la Cines et l’Itala Film, et contre laquelle les premiers cinéphiles s’érigèrent au nom d’une expression cinématographique autonome qui devait s’affranchir des règles du vieux théâtre, pour bâtir un art, septième du nom, qui n’avait rien à devoir à ses prédécesseurs. Légitimation enfin atteinte avec le canon néoréaliste, auquel à l’orée des années 1960 certains critiques français opposèrent le néo-irréalisme »39 de la production italienne. Spinazzola encore décrit bien l’attachement des cinéphiles et des critiques italiens à l’expérience néo-réaliste » comme canon insurpassable pour toute cinématographie digne de ce nom40 », au contraire de la critique française attentive à la création […] d’une épopée des origines de la civilisation européenne41 ». On comprend mieux dans ces conditions que les critiques rompus à la déconstruction de la culture classique, tout imprégnés qu’ils en fussent Legrand ou Mardore avaient fait leurs humanités, brisèrent leurs premières lances en faveur de cette production à proprement parler contre-culturelle42. Que, sur les ruines fumantes de la culture classique, une antiquité fantasmatique doublée d’un syncrétisme historique ait donné naissance à une nouvelle mythologie cinématographique fondée par les plus érudits des critiques de l’époque n’est pas le moindre paradoxe du péplum. Haut de page Bibliographie Agel 1955 Henri Agel, Dans le sillage d’Ulysse », Cinéma 55, n° 5, 1955, p. 81. Aknin 2009 Laurent Aknin, Le Péplum, Paris, Armand Colin, 2009. Aubert 2009 Natacha Aubert, Un Cinéma d’après l’antique du culte de l’Antiquité au nationalisme dans la production muette italienne, Paris, L’Harmattan, 2009. Aziza 2008 Claude Aziza, Guide de l’Antiquité imaginaire. 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Carcassonne dir., Le Cinéma, Paris, Bordas, 1983. 6 F. Buache, Le Cinéma italien, 1945-1979, Lausanne, L’Âge d’homme, 1979. 7 Id., ibid., p. 26. 8 Id., ibid. 9 Citons entre autres de cet auteur Guide de l’Antiquité imaginaire. Roman, cinéma, bande dessinée, Paris, Les Belles Lettres, 2008 ; Le Péplum, un mauvais genre, Paris, Klincksieck, 2009. 10 Voir par exemple l’ouvrage extrait de la thèse de Natacha Aubert, Un cinéma d’après l’antique du culte de l’Antiquité au nationalisme dans la production muette italienne, Paris, L’Harmattan, 2009. 11 Entendons ici ce qualificatif au sens étymologique du terme, désignant donc des historiens amoureux » de leur sujet. 12 Cf. Hervé Dumont, L’Antiquité au cinéma. Vérités, légendes et manipulations, Paris, Nouveau Monde éditions-Lausanne, Cinémathèque suisse, 2009. 13 Voir aussi les travaux de Laurent Aknin, Le Péplum, Paris, Armand Colin, 2009, et de Frédéric Martin, L’Antiquité au cinéma, Paris, Dreamland, 2002. 14 V. Spinazzola, article publié dans le dossier Le carnaval des demi-dieux », Cinéma 64, n° 85, 1964, p. 45. 15 Ces données sont issues des chiffres du cinéma en France disponibles sur le site du CNC, pour les années 1953 , 1958 et 1960 . 16 Sur la revue Cinéma et son rôle dans la découverte de genres ou de cinématographies jusqu’alors considérés comme mineurs, nous renvoyons à Anaïs Armanville, Ciné-club et éducation populaire les débuts de la revue Cinéma 1954-1971 », mémoire de master 2 d’histoire contemporaine, Université Toulouse-Le Mirail, 2009. 17 C. Aziza, Le Péplum, un mauvais genre, op. cit., p. 13 et sqq. 18 B. Tavernier, Mythologies italiennes », Cinéma 61, n° 58, 1961, p. 115. 19 Id., ibid., n° 59, août-septembre 1961, p. 115. 20 Id., ibid. 21 R. Borde et É. Chaumeton, Panorama du film noir, Paris, éditions de Minuit, 1955. À propos de l’édification du film noir en genre majeur, nous renvoyons aux différentes études de Jean-Pierre Esquenazi, dont Le Film noir. Histoire et significations d’un genre populaire subversif, Paris, CNRS éditions, 2012, et sur l’appréhension critique du genre, L’invention française du film noir. L’acte critique, entre taxinomie, interprétation et prise de position », dans M. Chénetier-Alev et V. Vignaux dir., Le texte critique. Expérimenter le théâtre et le cinéma aux xxe-xxie siècles, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013, p. 337-350. 22 Török, Le Maciste ne passera pas », Midi-Minuit fantastique, n° 6, 1963, p. 81-83. 23 M. Mardore, La nuit », Cahiers du cinéma, n° 132, 1962, p. 50. 24 Id., Les couleurs du Parthénon », Cahiers du cinéma, n° 122, 1961, p. 58. 25 G. Legrand, Le peplum et la cape précisions sur le cinéma italien d’inspiration fantastique », Positif, n° 50-51-52, 1963, p. 170-179. 26 J. Siclier, L’âge du péplum », Cahiers du cinéma, n° 131, 1962, p. 26-38. 27 Cette concomitance de l’invention » du genre et de sa disparition des écrans, après l’échec retentissant de la Cléopâtre de Mankiewicz, pourrait bien relever d’une posture contre-culturelle propre à une partie de la critique il s’agit d’apprécier ce qui décline, d’élever à la dignité artistique ce qui ne tardera pas à disparaître. 28 On pourrait mener de la sorte une histoire de la réception des genres considérés comme mineurs du cinéma, en s’arrêtant sur le fantastique et l’horreur, le western européen, le giallo » ou encore le mélodrame. 29 G. Legrand, art. cit. Nous soulignons. 30 J. Zimmer, Un cinéma populaire le peplum », Image et Son, revue de cinéma, n° 196, 1966, p. 58-74. 31 V. Spinazzola, art. cit., p. 55. 32 Il s’agit de la version produite par la firme Ambrosio en 1908 et dirigée par Luigi Maggi sur un scénario de Roberto Omegna. 33 V. Jasset, Étude sur la mise en scène en cinématographie », Ciné-journal, n° 166, 28 octobre 1911 et n° 167, 4 novembre 1911. 34 G. Sadoul, Histoire du cinéma mondial, Paris, Flammarion, 1959 1re édition 1949, p. 93. 35 M. Bardèche et R. Brasillach, Histoire du cinéma, Paris, Denoël et Steele, 1935, p. 59. 36 Id., ibid., p. 59-60. 37 Lo Duca, Histoire du cinéma, Paris, Presses universitaires de France, 1947 1re édition 1941, p. 32. 38 V. Spinazzola, art. cit., p. 66. 39 L’expression est empruntée à Michel Mardore, Les Couleurs du Parthénon » art. cit., p. 57. 40 V. Spinazzola, art. cit., p. 67. 41 Id., ibid., p. 72. 42 Production de films et de moderne mythologie qu’il conviendrait de mettre en regard de celle qui se met en place autour du cinéma fantastique ou de la science-fiction sensiblement à la même de page Pour citer cet article Référence électronique Christophe Gauthier, D’un genre mal-aimé le péplum », Mise au point [En ligne], 15 2022, mis en ligne le 10 mars 2022, consulté le 25 août 2022. URL ; DOI de page Hunger Games est une franchise américaine de quatre films, adaptée au cinéma d’après les romans de Suzanne Collins entre 2012 et 2015 Hunger Games 2012, L’Embrasement 2012, La Révolte, partie 1 2014 et La Révolte, partie 2 2015. Comme les livres dont ils sont inspirés, les films sont saturés de références très claires à l’Antiquité gréco-romaine, du point du vue du scénario comme de l’image. Il sera ici principalement question du volume 1 de la saga Hunger Games, réalisé par Gary Ross et sorti au cinéma en 2012. Les supports promotionnels officiels du film en proposent le résumé ci-dessous Chaque année, dans les ruines de ce qui était autrefois l’Amérique du Nord, le Capitole, l’impitoyable capitale de la nation de Panem, oblige chacun de ses douze districts à envoyer un garçon et une fille – les tributs » – concourir aux Hunger Games. À la fois sanction envers la population pour avoir tenté de se rebeller et stratégie d’intimidation de la part du gouvernement, les Hunger Games sont un événement télévisé national au cours duquel les tributs doivent s’affronter jusqu’à la mort. L’unique survivant est déclaré vainqueur. La jeune Katniss, 16 ans, se porte volontaire pour prendre la place de sa petite soeur comme tribut. Elle se retrouve face à des adversaires surentraînés qui se sont préparés toute leur vie aux jeux. Elle a pour seuls atouts son instinct et un mentor, Haymitch Abernathy, qui gagna les Hunger Games il y a des années mais n’est plus désormais qu’une épave alcoolique. Pour espérer pouvoir revenir un jour chez elle au District 12, Katniss va devoir, une fois dans l’arène, faire des choix impossibles entre la survie et son humanité, entre la vie et l’amour… Des références évidentes… Pour tout spectateur avisé, la référence à l’Antiquité dans le volume 1 de la franchise Hunger Games est flagrante le scénario évoque aussi bien la vie du gladiateur Spartacus que les exploits de Thésée dans le labyrinthe. La référence est encore plus clairement assumée dans les noms propres choisis par l’auteur du nom du pays, Panem, et de son centre gouvernemental, le Capitole, aux noms de ses habitants, Cena, Caton, César, Sénèque, Claude… De plus, les réalisateurs ont choisi comme cadre un univers néo-antique qui évoque aussi bien la Rome impériale que l’architecture fasciste de Mussolini. Références historiques et mythiques Du pain et des jeux Panem, l’Amérique post-apocalytique décrite dans le film, est une Rome post-moderne gouvernée par le Capitole, dont le nom est inspiré de celui de la colline où siégeait le pouvoir à Rome. Si dans le film la référence onomastique de Panem » est implicite, elle est explicitée dans le livre le nom a été choisi en référence à une ancienne civilisation dont la devise était Panem et circenses » du pain et des jeux… soit la Rome du Colisée ! Il est de plus clairement ici fait référence aux jeux de gladiateurs offerts par le pouvoir romain aux masses pour les divertir. La capitale de Panem, c’est la Rome décadente, ses orgies, ses fastes, ses dangers en particulier le poison le “Capitole”. Katniss Jennifer Lawrence, Peeta et leurs ennemis sont les gladiateurs de Panem, sacrifiés pour le divertissement des habitants de la capitale. Suite à un entrainement dans un véritable ludus, et après avoir séduit le public et les sponsors tout comme les combattants de l’arène devaient s’assurer une réputation pour espérer survivre, les jeunes combattants sont lâchés dans une véritable arène dans laquelle une nature artificielle et dangereuse est recréée le spectacle est en tous points analogue à de grands jeux au Colisée. La violence semble être aussi importante à Panem que dans le grand amphithéâtre de Rome. Dis moi ton nom Au-delà d’un postulat de départ, l’histoire romaine est un véritable fil conducteur pour le spectateur. Sa connaissance de l’histoire peut lui apporter des indices sur l’issue du scénario. Le cas le plus évident est celui de Seneca Crane. L’organisateur des Hunger Games est forcé, après son erreur stratégique majeure, à se suicider en s’empoisonnant, tout comme le véritable Sénèque dut mettre fin à ses jours à la demande de Néron. Contemporain de Sénèque, Cinna trouve son alter égo dans le styliste de Katniss comme le personnage historique qui joua un rôle dans l’assassinat de César, Cinna complote contre le pouvoir en place. Coriolanus Snow, le président, fait écho à Caius Marcius Coriolanus, un des acteurs de la jeune république romaine qui voulut prendre le pouvoir à plusieurs reprises par la manipulation et retirer au peuple ses droits durement acquis. Il instrumentalise d’ailleurs dans une de ses tentatives les jeux des gladiateurs. Tout au long des quatre films de la franchise, on croise d’autres noms comme Caton, Flavia ou Caesar. Enfin, dans le cadre plus vaste de la trilogie Hunger Games, les parallèles sont nombreux avec l’histoire du célèbre gladiateur Spartacus qui mena la révolte des esclaves contre Rome. Katniss est la passionaria malgré elle de ce mouvement qui saisit peu à peu toutes les provinces, et se retrouve progressivement à la tête d’une armée en révolte. La référence aux gladiateurs est en quelque sorte aussi mixée à la mythologie grecque, et notamment au mythe du minotaure chaque année les Grecs devaient envoyer au monstre enfermé dans son labyrinthe sept jeunes filles et sept jeunes hommes en sacrifice pour maintenir la paix. Dans le film, ces enfants tirés au sort sont désignés comme le tribut » des districts, de même que l’impôt réclamé par Rome ou Athènes aux cités conquises. La vie du minotaure, et donc ce rituel, prennent fin quand Thésée se désigne pour aller combattre le monstre et le vainc ; de même, Katniss se porte volontaire pour participer aux jeux de Panem et en cause la fin. Le minotaure est remplacé par les trois chiens monstrueux de la fin de l’épisode un. La Rome post-moderne Le district 1 de Panem est donc une Rome post-moderne où les citoyens favorisés de l’Empire s’ennuient et vont d’orgie en spectacle pour se divertir pendant que les régions annexées, les districts, fournissent de quoi vivre dans le luxe, au risque de ne pas être autarcique élément important du scénario. Ses dirigeants se réclament d’ancêtres romains aux rôles plus ou moins positifs et son chef est un dictateur autoproclamé auquel est voué un culte. La musique et l’environnement sonore, enfin, évoquent parfois également le péplum, notamment avec les trompettes. Références visuelles Si tous les films de la série y font écho, c’est tout de même dans le volume 1 de la série que la référence visuelle à l’Antiquité est la plus assumée. Les réalisateurs ont ainsi délibérément décidé de créer une architecture néo-classique qui imite finalement plus la période fasciste italienne que l’Antiquité romaine. On constate ainsi l’utilisation d’une architecture antiquisante épurée évoquant les bâtiments de l’ère mussolinienne, qui se voulaient eux-mêmes être la recréation de l’architecture monumentale romaine. Par ce choix, les décorateurs du film ont modernisé le cadre et introduit un parallèle intéressant entre le gouvernement de Panem et les gouvernements fascistes du XXème siècle. On retrouve d’ailleurs le même recyclage de l’aigle impérial romain, très plébiscité par les nazis et Mussolini, et le culte de la personnalité, qui semble avoir à Panem remplacé toute religion. Autre élément du décor issu de l’Antiquité la corne d’abondance qui se trouve au centre des arènes des différents Hunger Games. Elle joue son rôle de source permanente de richesses et de bonté en permettant aux participants des jeux de s’armer et de s’équiper. Dans ces décors monumentaux évoluent de nombreux personnages qui évoquent l’histoire ou la mythologie gréco-romaine. Il est ainsi évident que les combattants de Panem sont les descendants des gladiateurs romains vêtus tels des dieux antiques, ils défilent devant la foule sur des chars, sous une pluie de cris et de fleurs. Dans une moindre mesure, les Peacekeepers, les soldats de l’armée étatique, évoquent les légionnaires romains habillés de façon uniforme, ils combattent de front tels des hoplites et obéissent à une hiérarchie très structurée tout comme les stormtroopers de Star Wars. Dans le livre on retrouve même l’idée qu’ils ne peuvent pas se marier avant 20 ans. De nombreux personnages évoquent les mythes grecs dans lesquels les transformations et les métamorphoses jouent un rôle capital. Katniss se voit pousser des ailes et des flammes tel un phénix, Effie se transforme de scène en scène, parfois en animal, les combattants se camouflent et se sauvent par leurs métamorphoses… Dans les films suivants, on trouve des chauves-souris attirant les gladiateurs dans leur piège telles des sirènes, en imitant la voix de leurs proches, on explore une arène spéciale divisée en douze travaux, on assiste à une apothéose de Katniss qui, telle Sémélé, est exfiltrée de l’arène par les airs après avoir été foudroyée… Si ses tenues ne sont pas explicitement antiques, la représentation de l’héroïne, Katniss, fait aussi écho à l’Antiquité elle incarne une Diane moderne, une femme innocente qui fait tourner le cœur des hommes, mais dangereuse, armée de son arc. Le combat final du premier film évoque d’ailleurs le mythe d’Actéon, que la déesse fait dévorer par ses propres chiens. Au cours du film, Katniss passe par tous les statuts fille, sœur, mère elle remplace également le patriarche, tout en restant aussi “pure” qu’une déesse vierge. Que dire de la scène finale du premier film, parfaite évocation de la tragédie grecque acculés, les héros, pseudo-amoureux, sont condamnés par leur propre choix au suicide. Le suicide de Seneca et la scène des funérailles de Rue entrent également en écho avec le tragique à l’antique… Il est intéressant de noter, de façon plus générale, l’importance de la notion de destin celui-ci est contrôlé par des êtres supérieurs que souhaitent être les dirigeants du Capitole, d’ailleurs figurés tels les dieux de l’Olympe dans les péplums, observant la vie des hommes depuis le ciel et leur imposant des épreuves à leur guise, les aidant à l’occasion. Au cours des différents épisodes, les épreuves se suivent et comme lorsque les mythes antiques sont repris au Moyen-âge ou lors de la Renaissance, deviennent des métaphores chaque monstre ou ennemi abattu est un vice dépassé par les héros. Conclusion Certes, les parallèles avec l’histoire américaine, ses treize colonies, comme les districts de Panem, son passé esclavagiste, son impérialisme… sont omniprésents. Mais on l’a vu, beaucoup de parallèles sont établis avec la Rome Antique à des niveaux divers scénario, onomastique, codes visuels… Comme souvent dans le péplum américain classique, l’histoire de Rome sert de parabole à l’histoire américaine, il peut paraitre logique que des éléments passent d’un univers à l’autre dans le cinéma contemporain. Mais finalement Hunger Games, c’est surtout une illustration relativement fidèle des propos d’Aristote. Pour le philosophe grec, dans son texte La poétique, la tragédie doit reposer sur trois actes. Le récit doit comporter des péripéties qui mènent à une situation malheureuse celle-ci doit provoquer chez les spectateurs deux sentiments, la pitié et la terreur. Or on peut identifier facilement trois phases dans le film le recrutement, l’entrainement, le combat, au cours desquelles, après que le destin a frappé Katniss, les sentiments se succèdent, jusqu’à la scène du combat final où la tension est à son maximum avant le dénouement. Aristote précisait aussi l’importance de ne pas utiliser le Deus Ex Machina dans une fiction au risque de la ruiner si le metteur en scène intervient dans le scénario, comme Seneca Crane le fait à deux reprises dans le film en modifiant les règles des Hunger Games ou comme les dieux de l’Olympe le font dans de nombreux péplums, comme Jason et les Argonautes, il n’y a plus de clôture du spectacle sur lui-même. Or, dans la tragédie, les règles doivent venir de l’intérieur, se construire d’elles-mêmes. La machine informatique utilisée pour générer l’arène est une matérialisation du concept de deus ex machina même. Le fameux quatrième mur est de plus brisé à de nombreuses reprises dans les films, notamment quand les héros regardent les caméras qui les filment dans l’arène et cherchent à provoquer la compassion des spectateurs. La fiction interne » au film, le jeu truqué, est donc un fiasco, et les scénaristes jouent sur la fiction dans la fiction pour provoquer des retournements de situation et conduire l’ensemble du scénario c’est en s’affranchissant du système fermé, en brisant le fameux quatrième mur, que Katniss et ses acolytes font tomber le système. L’écran est une séparation entre les classes sociales, comme les frontières des districts étaient des séparations physiques la destruction de l’un provoque la disparition de l’autre. Scénaristique, visuelle, onomastique, et même philosophique, la référence à l’Antiquité gréco-romaine est omniprésente dans le film Hunger Games, de même que dans le reste de la tétralogie. Si les références se font moins évidentes au fil des films, on note en revanche l’apparition de la “ruine” comme décor, puis presque, dans le dernier, comme actrice. Les ruines d’une société aristocratique et antiquisante, sur lesquelles pourra se construire le futur de Panem. Cet article fait suite à la projection du film “Hunger Games” organisée par Antiquipop en mars 2016, avec le soutien du FSDIE Lyon 2. Fabien Bièvre-Perrin, "Hunger games – Panem et circenses du pain et des jeux", in Fabien Bièvre-Perrin éd., Antiquipop, Lyon, 24/04/2016 [ISSN 2553-4114]. URL consulté le 25/08/2022 Fabien Bièvre-Perrin Fabien Bièvre-Perrin est Maître de conférences à l'Université de Lorraine, membre du laboratoire HisCAnt-MA et membre associé au Centre Jean Bérard. Il gère les carnets Antiquipop et Klinai sur la plateforme Hypothèses. Ses recherches se concentrent sur l'archéologie de la Grande Grèce et de l'Illyrie ainsi que sur la réception de l'Antiquité dans la culture populaire et la politique contemporaines. Error 403 Guru Meditation XID 175881810 Varnish cache server

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