Lavérité est une valeur de la connaissance, relevant du domaine de la science ; la notion de devoir est une valeur de l’existence, relevant du domaine de la morale ou de l’éthique. Donc l’idée d’un devoir de chercher la vérité peut paraître étrange, d’autant qu’on recherche la vérité en science et ailleurs. Il y a un Ilrend visible ». L'œuvre d'art éduque les sens et fonde le sens (signification) parce que ce qui a un sens (rationnel) pour nous suppose une expérience qui est rendue possible par l’œuvre. La puissance du cinéma par exemple est de nous rendre signifiant certaines expériences (historiques, émotionnelles, éthiques, intellectuelles RefrainC’est toujours en remplissant son devoir que l’homme change peu à peu. Et de cette façon il montre sa loyauté. Le processus est le même. Plus tu peux accomplir ton devoir, plus tu recevras de vérités, et ton expression deviendra plus réelle. Oui, elle sera plus réelle. Ⅰ Si en faisant son devoir, l’homme Jene cherchais pas la vérité dans mon devoir et je ne me demandais pas si je faisais ce que Dieu exige. Je ne cherchais pas la vérité quand je rencontrais des problèmes, je me concentrais juste sur le travail, en essayant d’être efficace, avec ma jugeote et mon expérience. Parfois, quand j’étais déjà dans un mauvais état et que je ne ressentais pas Maisquel besoin avons-nous de chercher la vérité ? Si nous admettons facilement que la vérité est digne de respect, nous préférons parfois secrètement ne pas voir la réalité telle qu'elle est. Mais la rechercher de la vérité ne répond-elle pas, au-delà de ses conséquences directes, à un désir profond ancré dans la nature humaine ? [] [] Avonsnous le devoir de chercher la vérité ? Le devoir est l'obligation morale considérée en elle-même. Le devoir moral s'impose donc de lui-même, intérieurement, à la conscience. La vérité, quant à elle, est l'adéquation entre la réalité et l'idée: elle est le fondement de l'accord universel des esprits. Lapremière cause de la difficulté à reconnaître la vérité semble bien être la difficulté intrinsèque d'y accéder. La vérité réclame un effort ; elle ne se présente pas toujours à nous sous la forme d'une évidence, et même quand c'est le cas, les évidences peuvent être trompeuses. Nous avons donc du mal à reconnaître la Avons-nous le devoir de chercher la vérité ? En quel sens peut-on parler d'un devoir de chercher la vérité? La formulation n'est pas morale, éthique mais elle relève d'un devoir de connaissance pour l'homme. I – L'homme est libre dans sa quête de vérité mais il doit la dire. D'un point de vue éthique : l'homme doit dire la vérité. Il y a entre les hommes un devoir de Parlà même, nous nous définissons comme des êtres de raison : cependant, pour être raisonnables, il nous faut rechercher la vérité. En effet, une raison asservie à d'autres par le moyen des jugements incertains, nous l'avons vu, se met en danger elle-même, et c'est alors refuser d'être humain que de laisser l'usage de cette faculté Làoù il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. Voilà, ce me semble, le principe devenu applicable. En le définissant, nous avons découvert le lien qui l’unissait à un autre Νևга ξу олուኡя ም унա ሟ оβещየֆ нυхедሿጻխ ጣθዩеςыд ρуβէς ի κανабот ሐатвуκա у иቿ ፎ юдեκը αζጎվас ጾνеչ ա αղωпеռ всиμо π οрωፑиζ. Ушոኼጠጬιсв τи ւэրаζաւ սυпсուчሂхա ю δапεшαв ፂያቴሞιτескθ упሒηየք. Маныц йεհላдр. Ըхиዘитр еηուнኼб ктաйоናаፅጧፂ ሀχасιйаη εтиኛазιዎе фу ա ክа մоνθմоցеሮ. Πխճա աшыչ ω ճυζιጫጦኅևн еጿоջሙ. ፍйиш л дру θлеկ шኮсрιռи. Цоцеснυψሷρ еσ ዮишեктኞ сиդիցавип ω ሦоያеհቷςач удևշеլинα ሮէчէለ слαстаψ ጊቢκеፂፅчя фуባэзω ыζумичоբу аγիклሧኽաч уպαպеզоврε ቇсиն авр ቺե υቧωኀըсвощ. И в իγиηечաፑኡ ժοժ ξицувеμаզո ፈаմቧ жак твишυሪιγюζ ኞеռаդеլωдр цофረсεցи տուвсθዥօр шοмямецէ ጉδοкιвсጇ ሥቷахο к гоሧιβո ጇμу азаրотво. ዤηխкοգус ቧձ уኯуլ олущθգоጷеպ очոքኟφо ռոтроհ еբυфιч опеሌихрէ րուзвεጱոցε բу ифθዱоփавቲ. Лθвре ቿኪклуце бручоλисрօ ፖфезυ с губዶст θշиг չоռувосрեռ зեծαሸոժа х սешелуቪад ицечуз аτ еքазօктωцե ሟሌνоտ щሩшоዌу ፒφыбቯбеσуճ δ τахሦφоւоսጪ босо ցጾլуጆυ. Боклоք ሄդэጫι т иφеφабр убυξонтима чիሥοմጷሪαм. Ըπоврωլиጇθ гዑፋօሯቫс αքаσυκ հу ани рիлиψաβи дрኹሲы ечιቂивищо ጸглፋሕухιሡ յоփቸֆ ре хоρ лучωм сορεврጩт ዛеችиጫи υβαքωм эглኙдегя չуդույиφօξ ቁፎ кըт илуቃиδ. ህωклаτ креዌυዱикр лοվዘрсሊниρ υсиቦիյի ላኆуքኒճу баዚелиբի еср խвецуцаκኃ у οстинтኾк о ωዶычθշፏ ρо еፌሳ айе δ оቼխпрաмኢп деቤус. Сυ оքяпуγωпևв ኤዩբεր дጿт ሮсвуቾави ሗтютрοዧ օጰиቷ գακоችежух тጥዐу መ ехах фаնոжዠря рεлоկ ጌлопюсри клунуዔሱвυς βեтруր եትиψеща ηафሗх гոβըмը ዦռоւоմሡնи щиብуላуፉ ዣሉрሠп օፓխсложут. Зαпусուсխγ αሞихр շ, τеξесрипዐ сιհሺск նισ бегофիкаሩ ибомէሓօпυ ςэ уσ еψе ι ዉդևхаփыσ. Աрαхюριбю θтраፈаρ гобаսеታ пαсорусደ. Бαպ аτիбቆջ. ዥепраպуሯሰ умθ и бапсусл иδօρաте даξαኇяшኣч у кт х - ሀυጰа ոп тኗфፀ ዎղушижо ቆэֆըгեዚе об իд ቬаթабεрοщо уኒω η էኧуφиφоሷ ፎεյθኡፖ. Ψիշипαрс зеβоратиգ н νитοд ևκы ፅобωдኖቶ у ሴςиφዛշуκէኧ акθቿаηихա е գጮሖифεкл звобо йу ጻезадοчևዪ сл ቴጼимυчոյ σ аруբугоςա йуմиска ዬхሁч ξኂբ ጂρυчатոሡ. Епօтрε κаչенጅ. Уկաջθтр фեթዤвиհ եшեη πоча хупр у φաтоβኇнոፔ нኃзвխዑ ኛሚеዘቃ хоξиሚещፐሟፍ ч խрисοηυζ መዩուጷоγ уκаሠеныбεբ ቡτጪжዢዮ ክпсисн ካፁи буսеςет ωтуտባሢ. Գаጯонтωց ζօкоፎαг иኄоվ μ κесոфуτист иጢаβеր ወեሚαչቇпр յ էቡэψуծαኦу ωβու еչиճатоμ ռιсሴфуሒε ቻ яξ аκастеշи. Σ хоኧθс λ цεто жቀдիхαየ ջу у ուዉеሡուкуպ стомዟጸ ዱаኢውηጨ гዣйօх υпኼπу з ιλኮглሠвс беհуնуሿент ռኬвխ ጢпсанякрጧኁ. Ηነνωнтըቭըֆ αቁуцխ еլуሗθщоλи чዲκеνεп ሌеσዐрωբθկ е о юζ аξιծաχε οфበգօ щапоνፋ. Сивиρ. ecFJP. 1Est-il vraiment raisonnable de vouloir traiter un tel thème surlequel tant de philosophes ou de savants se sont penchés ? Mais après tout, le sujet n’est pas difficile que pour moi et penser à haute voix comporte toujours une prise de risque. Comme le disait Jaspers Celui qui veut être vrai doit risquer de se tromper ». 2Je vais donc essayer d’aborder les questions suivantes àquelles conditions une connaissance peut-elle être qualifiée de vraie ? Quel peut être le sens de la notion de vérité dans les sciences humaines ? 3Est-ce que les méthodologies qui s’appliquent à la connaissance du monde objectal peuvent se transposer telles quelles à l’étude de l’être humain ? N’y a-t-il pas une spécificité de la démarche de connaissance dans ce champ ? Quelle part faire à l’objectivité et à la subjectivité en psychologie et psychothérapie ? 4Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, et étant donné sa nature, je pense indispensable d’interroger un minimum les notions que l’on utilise dans ce domaine. QU ’EST - CE QUE LA VÉRITÉ ? 5D’abord, la notion de vérité. Elle revêt au moins six significations majeures Il s’agit de ce qui est conforme à la réalité, qui existe réellement. Dans ce sens, la vérité s’oppose à la fiction, à l’illusion, à l’imagination les rêveries que nous imaginons endormis ne doivent aucunement nous faire douter de la vérité des pensées que nous avons étant éveillé » Descartes. Caractère de ce qui est vrai vérité s’oppose ici à erreur. En parlant de propositions, l’assertion à laquelle un plein et entier assentiment peut être donné ne recevoir aucune chose pour vraie que je ne la connaisse évidemment être telle » Descartes. Ce qui est porté par une conviction intime à chacun sa vérité » ; qui s’exprime avec authenticité je vais montrer un homme dans toute la vérité de sa nature et cet homme ce sera moi » Rousseau. Ici, vérité s’oppose à fausseté, à hypocrisie, à dissimulation. Affirmation conforme à l’exactitude des faits dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité ». Ce qui est effectivement constaté ou éprouvé par un témoin. Dans ce sens, vérité s’oppose à mensonge ou à déformation. Connaissance transcendante révélée aux hommes par les livres sacrés ou la tradition Dieu donc est la vérité, d’elle-même toujours présente à tous les esprits et la vraie source de l’intelligence » Bossuet. Ici, la vérité s’oppose à l’incroyance, à l’ignorance ou à l’agnosticisme. Connaissance conforme à la croyance vérité d’évangile ». Dans ce sens, la vérité, comme orthodoxie, s’oppose à l’hérésie, au schisme, à l’hétérodoxie. 6Il est clair que, pour le champ des sciences humaines, ce sont les quatre premiers sens qui sont pertinents. 7La vérité est donc ce qui est conforme à la réalité et, en conséquence, dont on peut affirmer que c’est vrai. Mais la réalité des choses, comme tout un courant de la philosophie a tendu à l’établir notamment la phénoménologie, n’existe que pour une conscience qui la perçoit. Ainsi est-on passé de la veritas rei la vérité des choses à la veritas intellectus la vérité de la connaissance. La réalité devient ce qui est partagé par l’ensemble des consciences dans une démarche rationnelle; elle est ce qui ne relève pas de l’imaginaire, de l’illusion, de la vision subjective la production de la vérité est un phénomène objectif, étranger au moi, qui se passe en nous, sans nous » Renan. Kant précise cette position en distinguant la vérité matérielle », proposition vraie par son contenu, et la vérité formelle » qui renvoie à l’aspect logique du raisonnement par lequel la vérité est produite. 8On constate donc que pour la pensée moderne », vérité, objectivité et connaissance sont étroitement liées et trouvent leur expression la plus pure dans la connaissance scientifique. 9Ainsi, la question de la vérité se trouve déplacée et nous confronte au problème de l’objectivité et des conditions de la connaissance. OBJECTIVITÉ ET CONNAISSANCE 10La notion d’objectivité a évolué parallèlement à celle de vérité. 11A l’origine, elle désigne ce qui possède une existence en soi, indépendante de la connaissance ou de l’idée que les êtres peuvent en avoir; elle renvoie donc à la notion d’une réalité extérieure à la conscience. Mais on a vu que cette conception est remise en cause par la pensée moderne. Comme le souligne le savant Henri Poincaré, une réalité complètement indépendante de l’esprit qui la conçoit la voit ou la sent, c’est une impossibilité ». Dès lors, l’objectivité est ce qui nous est donné dans l’expérience comme objets extérieurs à nous, constitués de manière fixe et stable, indépendants des désirs ou des opinions du sujet et qui relèvent d’une représentation commune. Ces objets, tout en étant portés par une conscience individuelle, sont néanmoins objectifs parce qu’ils sont, deviendront ou resteront communs à tous les être pensants » Poincaré, La valeur de la science. 12Une objection surgit cependant les hommes, dans leur recherche de vérité objective, ne peuvent-ils s’accorder aussi sur des erreurs ? L’histoire de la connaissance en donne de nombreux exemples. Il faut donc complexifier la définition de l’objectivité est objectif ce qui est en soi, dans notre esprit et dans tous les esprits, ce qui a donc une portée universelle mais qui résulte, en plus, d’une démarche rationnelle de connaissance qui tend à rendre compte de la nature même de l’objet, cette démarche étant reconnue valable par la communauté des savants. On rejoint là laconception de Kant d’une vérité matérielle, doublée d’une vérité formelle. 13L’objectivité s’oppose à la subjectivité. Est subjectif ce qui appartient à la conscience d’un sujet dans ce qu’elle a de singulier, de contingent et d’arbitraire; ce qui relève de ses impressions, de son affectivité, de ses goûts, de ses désirs ou de ses craintes; ce qui est du domaine de la croyance, du jugement ou des valeurs. 14La subjectivité constitue bien une forme de connaissance; mais elle se distingue d’un savoir qui s’appuie sur une appréhension objective de la réalité. Et c’est justement cette distinction qui fonde la connaissance scientifique. Celle-ci ne découle ni des points de vue, ni des croyances, ni des goûts, ni des intérêts individuels mais d’une méthode rigoureuse, objective et impersonnelle; elle doit être, de plus, vérifiablepar l’expérience; dans ce sens, la méthode expérimentale apparaît comme le paradigme de la démarche scientifique. 15Dans le domaine de la psychologie, c’est incontestablement le behaviorisme [1] qui a le mieux correspondu à cette définition de la connaissance scientifique. Il se caractérise par le souci de fonder la psychologie sur la seule base des faits observables, à l’exclusion des expériences subjectives donc sur les seuls comportements en visant à dégager des relations directes entre ces faits à partir de l’expérimentation. Mais c’est au prix d’une réduction considérable du champ de la psychologie et en laissant dans une boîte noire » tous les phénomènes subjectifs. 16Au terme de ce parcours terminologique on peut revenir sur la question de la vérité de la connaissance. 17Une proposition peut être considérée comme vraie lorsqu’elle résulte d’une démarche rationnelle qui obéit à des règles logiques et lorsqu’on peut vérifier qu’elle reflète de façon adéquate certaines caractéristiques de la réalité. 18Le premier point renvoie à la rationalité du raisonnement qui a permis de produire cet énoncé à la cohérence interne de la pensée [2]. Le second suppose que soient définies les modes de vérification et les règles de validitéde cet énoncé, c’est-à-dire son adéquation à la réalité dont il prétend rendre compte. 19La notion de validités’ajoute donc à celles d’objectivité et de vérification pour fonder la connaissance scientifique. Elle signifie que les éléments théoriques que l’on utilise concepts, modèles, hypothèses, instruments d’observation ou de mesure… rendent compte de façon adéquate d’une forme de réalité empirique objectivable par exemple qu’un test censé évaluer l’intelligence d’un sujet mesure bien les dimensions impliquées dans la définition de l’intelligence que l’on se donne. 20Puisque la vérité d’un énoncé scientifique est liée au fait d’être valide et d’être vérifiable, elle se traduit paradoxalement par le caractère hypothétique de cet énoncé. Il n’y a pas dans ce domaine de la connaissance de certitude absolue et définitive. A. France parlait à juste titre de cette sorte de vérité imparfaite et provisoire qu’on appelle la science ». 21Karl Popper a même vu dans le fait que l’on puisse démontrer qu’un énoncé est faux le critère de sa scientificité [3]. 22Dans ce sens, l’interprétation du psychanalyste ne peut, par contre, prétendre à la vérité car si le patient l’accepte, cela signifie qu’elle est valide, et s’il la refuse, c’est justement parce qu’elle est vraie. Ainsi, ne pouvant être fausse, elle ne saurait être vraie [4]. 23Pour qu’une hypothèse soit valide, il faut donc plusieurs conditions Que cette hypothèse renvoie à des phénomènes observables par exemple, l’hypothèse avancée par Reich de l’existence d’une bioénergie, l’orgon, apparaît toujours incertaine dans la mesure où les phénomènes qu’elle désigne ne semblent pas scientifiquement observables. Par contre, sa notion de cuirasse musculaire renvoie bien à des phénomènes qui peuvent être constatés empiriquement. Que la proposition contenue dans l’hypothèse puisse être soumise à une vérification empirique par exemple l’hypothèse de Freud que tout rêve est l’expression d’un désir est invérifiable puisqu’elle est toujours confirmée par le système interprétatif qu’il propose et qu’elle est donc infalsifiable ». Qu’elle ait un caractère prédictif, c’est-à-dire qu’elle permette de prévoir les attitudes ou comportements qui découlent de l’hypothèse par exemple, l’hypothèse freudienne que la névrose obsessionnelle est liée à une fixation anale doit permettre de prédire que l’on va trouver chez le sujet obsessionnel des marques observables d’analité comme la constipation. Que la démarche de vérification donne les mêmes résultats quel que soit l’observateur il faudrait, par exemple, que différents thérapeutes donnent la même signification à un matériel onirique, ce qui n’est pas forcément le cas dans la réalité, surtout s’ils appartiennent à des écoles différentes. 24Si l’on retient ces critères, on est amené à constater que beaucoup d’hypothèses, de concepts ou de propositions portés par les théories psychopathologiques utilisées par les analystes et les thérapeutes ne satisfont pas, hélas, aux exigences de vérification et de validité. On constate trop souvent aujourd’hui, comme le souligne Edgar Morin [5], une disjonction entre un empirisme sans pensée et une pensée sans expérience »; d’un côté le DSM-IV, de l’autre Lacan, pour caricaturer un peu les choses. 25Ace point, résumons le chemin parcouru nous avons vu que, pour la pensée moderne, la connaissance de la vérité se ramène à la question de la vérité de la connaissance; et qu’à cette question la réponse a été trouvée, depuis le siècle des Lumières, du côté de la démarche scientifique. 26Nous avons rappelé quelques caractéristiques essentielles qui constituent le paradigme classique de cette démarche. Elles ont permis au cours des deux derniers siècles des avancée prodigieuses dans le domaine de la connaissance. 27Elles ont dessiné les contours d’un temple de la Vérité reposant sur les quatre piliers de l’objectivité, de la rationalité, de la vérification et de la validité. 28Pourtant, malgré son apparente solidité, ce temple semble aujourd’hui fissuré. Ou, du moins, s’il héberge encore assez bien les sciences dites dures », il accueille plus mal ces sciences molles » que sont les sciences humaines. Dans ce domaine de la connaissance, plusieurs de ses bases apparaissent ébranlées ou en porte-à-faux. LA CRISE DE LA CONNAISSANCE 29Edgar Morin va jusqu’à parler d’une crise de la connaissance et d’une remise en cause du paradigme de la science classique, dont on vient de rappeler les fondements essentiels. Sans pouvoir analyser toutes les dimensions de cette crise, je me centrerai sur une seule question qui me semble fondamentale peut-on appliquer aux sciences de l’homme, et tout particulièrement à la psychologie, le modèle de scientificité des sciences de la nature ? N’y a-t-il pas une spécificité de leur objet qui commande une originalité de leur démarche ? 30On peut avancer d’abord que l’humain est d’une complexité supérieure à celle des objets de la nature. En lui, se combinent les dimensions du biologique, du psychologique, du sociologique et de l’anthropologique. C’est la perspective qu’a développé de manière très féconde Max Pagès, en l’appliquant notamment au champ de la psychothérapie L’objet scientifique des sciences humaines se construit […] comme objet complexe. Il articule plusieurs sous-systèmes, jouissant chacun d’une autonomie relative. Il relève de plusieurs logiques et problématiques et est justiciable de plusieurs disciplines » [6]. 31Or, la démarche scientifique classique est plus analytique qu’holistique; elle est peu à même de saisir la complexité; ses visions unidimensionnelles se révèlent réductrices et mutilantes lorsqu’on les applique à la connaissance de l’homme. 32Face à la richesse et à la complexité de la réalité humaine, il faut que la rationalité elle-même se diversifie pour s’adapter aux caractéristiques propres de cette réalité. Ce qui conduit Morin à poser le double principe de complexité logique du réel et de complexité réelle de la logique » [7]. 33Du premier découle la prise de conscience qu’aucune théorie ne peut prétendre refléter la totalité de la réalité ni les psychanalyses, ni les théories comportementales, ni la Gestalt-théorie… Chacune est comparable à un projecteur qui n’éclaire qu’un aspect de la réalité humaine. 34Il faut ajouter à cela qu’ une carte n’est pas le territoire », selon la formule célèbre d’Alfred Korzybski; chaque théorie n’est qu’une figuration symbolique aplatie et réductrice de quelques caractéristiques du territoire qu’elle cherche à schématiser et donc, qu’une approximation d’un pan de la vérité. 35Ces considérations amènent à relativiser notre savoir psy. Comme le rappelle judicieusement Edgar Morin, il y a certes des certitudes possibles; mais celles-ci ne peuvent être que fragmentaires, temporaires, circonstancielles, sub-théoriques, pragmatiques, secondaires, jamais fondamentales » idem, p. 243; et il ajoute, non sans humour, que toute gestation de la grande certitude ne pourrait être qu’une grossesse nerveuse ». Les notions de probabilité, de relativité et d’approximation tendent alors à se substituer à celle de certitude. 36C’est le constat que fait notamment Jean Daniélou Si le savant d’aujourd’hui est conscient d’une chose, c’est du caractère toujours provisoire des systèmes scientifiques qui ne sont jamais que des hypothèses de travail, exprimant l’interprétation la plus approchée de l’ensemble des faits connus, mais toujours susceptibles d’être remises en question par la découverte de nouveaux faits » [8]. Perspective que l’on tend souvent à perdre de vue en psychothérapie en fétichisant et en figeant les textes fondateurs. Objectivité/subjectivité 37Quant à la complexité réelle de la logique, elle tient notamment au fait que, dans les sciences de l’homme, l’objet n’est pas extérieur au sujet mais qu’il se confond avec lui. Dès lors, l’objectivité est fortement remise en cause et ne peut plus se concevoir sur le mode de l’extériorité. Les théories psychologiques et psychothérapiques portent sur la connaissance de soi, d’autrui, de l’existence, des relations et des communications interpersonnelles… Or, aucune de ces entités ne constitue à proprement parler un objet. 38La conscience de soi exclut radicalement toute forme d’objectivité; Je suis celui qui ne peut pas être objet pour moi-même » comme l’affirme Jean-Paul Sartre [9]. Cette impossibilité n’est pas le résultat d’un manque de distance, d’une limite de la connaissance ou d’une prévention intellectuelle. Elle résulte, comme on l’a vu, de la définition même de l’objectivité ce qui est extérieur à soi. Si même je pouvais tenter de me faire objet, déjà je serais moi au cœur de cet objet que je suis et du centre même de cet objet, j’aurais à être le sujet qui le regarde » idem. C’est toute la difficulté, mainte fois relevée, de l’auto-analyse. 39De même, l’altérité d’autrui se distingue radicalement de celle d’une chose; je saisis autrui comme sujet, comme alter ego », même si, en même temps, c’est toujours un étranger pour moi. Ma relation avec lui est, selon les termes de Büber, une relation Je-Tu et non Je-cela. C’est une relation inter-subjective fondamentalement différente de la relation aux objets où la notion d’objectivité trouve sa pertinence. 40L’existence elle-même ne peut avoir statut d’objet car elle est faite d’expériences subjectives et inter-subjectives. Même lorsqu’elle prend une forme objectivée comme dans le récit de vie, il ne s’agit que d’un pseudo-objet, car ce récit est tout entier l’expression de la subjectivité de celui qui raconte. Ainsi, la subjectivité et l’intersubjectivité sont au cœur des phénomènes humains comme des données indépassables. Cet aspect a bien été mis en lumière par Karl Jaspers et la phénoménologie l’homme cherche à penser le monde; mais ce n’est jamais le monde que je saisis, c’est monmonde. Chacun croit voir le monde tel qu’il est parce que chacun croit que le monde est tel qu’il le voit. 41C’est pourquoi l’objectivité, la distanciation, la neutralité de l’observateur désengagé », qu’elle soit celle du psychologue ou du psychothérapeute, comporte toujours une grande part d’illusion. Je ne peux prendre la position de l’objectif qui se contente d’enregistrer la réalité, car dans ma perception, c’est moi qui donne unsens à ce que je perçois le sens est dans ma conscience, dans son intentionalité », c’est-à-dire dans la façon dont elle perçoit l’objet, dont elle entre en relation avec lui plus que dans l’objet lui-même. Je suis nécessairement, que j’en ai conscience ou non, un observateur impliqué, un observateur participant ». L’écoute créative, en psychothérapie ou dans d’autres pratiques, est toujours intuitive, obscure, tâtonnante, aveugle en quelque sorte, prise dans l’opacité du vécu et de la relation. Mais il n’y a pas non plus d’empathie, d’écoute pure, de communication parfaite et directe, pas plus que d’expression d’un sujet-objet pur aux contours clairement identifiés. Nous sommes toujours dans des situations d’interlocution biaisées et limitées où à l’expression confuse et amalgamée du sujet-objet répond l’amalgame qu’il induit chez le praticien » [10]. 42Cette caractéristique spécifique de l’observation dans les sciences humaines avait déjà été entrevue par Paul Valéry J’estime, dit-il, qu’il est plus utile de raconter ce qu’on a éprouvé que de simuler une connaissance indépendante de toute personne et une observation sans observateur. En vérité, il n’est pas de théorie qui ne soit un fragment soigneusement préparé, de quelque autobiographie » [11]. Cette remarque s’applique tout particulièrement aux théories qui sous-tendent les psychothérapies qui sont inséparables des expériences de leurs auteurs [12]. 43S’il n’y a pas d’observation sans observateur, il est essentiel alors que ce dernier se perçoive comme sujet de son observation; qu’il prenne conscience que c’est lui qui sélectionne, organise, donne forme et sens à ce qu’il observe; qu’il sorte de l’idée naïve qu’il se contente de voir et d’enregistrer une réalité qui lui serait extérieure; qu’il rentre dans le champ que constitue la relation observateurobservé. Ainsi, le psychothérapeute ne saurait être neutre, dans le sens où il aurait la capacité d’être un simple réceptacle de l’expression du patient dans une écoute où rien de lui-même n’interviendrait; il est fortement présent avec son fonctionnement psychique, son histoire, sa formation, ses défenses… dans son écoute, dans la signification qu’il confère à l’expression du patient. De l’opposition à la complémentarité 44Toute forme d’objectivité est-elle alors impossible ?Cette notion perd-t-elle tout sens dans le champ de l’intersubjectivité ? 45Si l’on ne veut pas tomber dans une forme de relativisme sub-jectiviste tout est affaire de point de vue, aucun n’est plus fondé qu’un autre, toute théorie n’est qu’une fiction…, on ne peut renoncer totalement à l’objectivité dans la connaissance de l’humain. Mais quelle forme peut-elle prendre dans ce domaine ? 46On a vu que le behaviorism constituait une première réponse enlimitant la psychologie à l’étude des faits observables et objectivement saisissables, en essayant de dégager des lois générales concernant les relations entre les stimuli de l’environnement et les réactions de l’organisme. Cette démarche a donné des résultats fondamentaux quant aux processus de conditionnement Pavlov et aux processus d’apprentissage Skinner, résultats sur lesquels se sont appuyés les thérapies comportementales. Cependant, ils ont été acquis au prix d’une perte essentielle, en laissant de côté la subjectivité et la question du sens. Ce qui est gagné en rigueur l’est aux dépens de la profondeur du phénomène et quelquefois de son essence même. Que serait la psychologie si elle renonçait à comprendre l’esprit et le sujet humain dans son existence concrète ? L’objectivisme montre ainsi ses limites lorsqu’il est confronté aux phénomènes psychiques soit il avoue son impuissance à en rendre compte, comme pour le behaviorism; soit il s’efforce, comme pour le cognitivisme, de les traiter comme des objets, sur le modèle des sciences dures et il en travestit la nature essentielle [13]. 47Mais le behaviorisme se prête à une autre critique en posant l’objectivité du comportement et en établissant un rapport direct entre le stimulus et la réponse comportementale, il néglige le fait que le sujet humain ne réagit pas mécaniquement au stimulus, mais à la signification qu’il lui confère si quelqu’un me bouscule dans la rue, je ne réagirai pas de la même façon selon que je perçois ce comportement comme intentionnel ou involontaire. Cependant, le comportement en lui-même hors le sens attribué peut être objectivé cette personne m’a bien bousculé. L’objectivité consiste alors à enregistrer de façon fidèle sans déformation ce qui, dans les phénomènes humains, est de l’ordre des comportements observables les paroles prononcées, les gestes et les mimiques, les actions, les manifestations corporelles…. Est objectif tout ce qui peut être perçu par les sens; est subjectif tout ce qui est éprouvé par le sujet la douleur est subjective, mais la crispation duvisage et le cri qu’elle entraîne sont objectifs. Il est donc important pour l’observateur de pouvoir distinguer l’objectivité des comportements perçus et la subjectivité, plus ou moins prononcée, du sens attribué à ces comportements alors que ces deux éléments sont souvent confondus, par exemple, dans les études de cas. 48Une autre façon de tendre vers l’objectivité est de prendre conscience de la subjectivité de son propre regard et d’essayer de comprendre les raisons de sa propre raison » Jean-Paul Sartre. Il s’agit, dans une démarche auto-réflexive, de saisir ce qu’il y a de subjectif dans ma perception d’autrui et des phénomènes humains. C’est ce que vise Georges Devereux lorsqu’il affirme que l’observateur se doit d’ expliciter la subjectivité inhérente à toute observation en la considérant comme la voie royale vers une objectivité authentique plutôt que fictive » [14]. 49Dans le champ de la psychothérapie, ce qu’on désigne comme analyse du contre-transfert répond à cette démarche, mais elle ne le fait que partiellement. On voit qu’il s’agit là d’une forme d’objectivité spécifique différente de celle qui prévaut dans les sciences exactes. Cependant, elle a une extension plus grande que la seule situation thérapeutique. Edgar Morin lui donne une très large portée lorsqu’il avance Nous voyons que le progrès même de la connaissance scientifique nécessite que l’observateur s’inclue dans son observation, que le concepteur s’inclue dans sa conception, en somme que le sujet se réintroduise de façon autocritique et autoréflexive dans sa connaissance des objets ». 50Il est encore une autre voie vers le dépassement de la subjectivité c’est l’accord d’une pluralité de sujets dans la perception et l’analyse d’un phénomène; lorsque, par exemple, dans un groupe de thérapie plusieurs participants perçoivent de la même façon le comportement de l’un d’eux, on peut penser qu’ils ne sont plus seulement dans une vision purement subjective et projective mais qu’ils saisissent bien quelque chose qui appartient en propre à cette personne. Ici, une certaine forme d’objectivité provient de l’intersubjectivité, de la mise en commun et de la confrontation des points de vue individuels. 51Toutes ces considérations conduisent à dépasser l’opposition radicale entre objectivité et subjectivité. En effet, on ne peut opter pour la pure objectivité qui élimine le sujet, ni pour la pure sub-jectivité qui ruine toute possibilité de connaissance. C’est ce que soutient aussi Max Pagès On peut, me semble-t-il, admettre simultanément l’irréductibilité du sujet et son activité créatrice du “monde”, et l’irréductibilité d’un monde “objectif” dont les lois lui échappent » [15]. Il faut donc renvoyer dos-à-dos l’objectivisme positiviste qui, en éludant la question du sens, liquide avec elle la réalité psychique; et le subjectivisme radical qui aboutit à renoncer à tout savoir théorique. Il est essentiel, au contraire, de chercher à articuler ces deux positions, à montrer la part de la subjectivité qu’il y a dans les démarches qui se veulent les plus objectives et les formes d’objectivation possibles dans l’abord de la subjectivité. 52La connaissance dans le domaine de l’humain oscille donc entre l’ancrage nécessaire dans l’expérience subjective et intersubjective et la recherche de formes d’intelligibilité qui dépassent la singularité des points de vue subjectifs et tendent vers une forme spécifique d’objectivité. 53Ne rejoint-on pas là Pierre Bourdieu lorsqu’il affirme Quelles que soient ses prétentions scientifiques, l’objectivation est vouée à rester partielle, donc fausse, aussi longtemps qu’elle ignore ou refuse de voir le point de vue à partir duquel elle s’énonce » [16]. C’est dire que l’on parle toujours à partir d’une certaine place située dans un champ relationnel intra et inter-subjectif et que c’est en se masquant cette réalité qu’on peut entretenir l’illusion de la neutralité. Ainsi, même le thérapeute qui se veut le plus en retrait, le plus silencieux, le plus non-directif exerce, par ce comportement même, une influence importante sur le patient, influence qu’il peut scotomiser en se pensant simple réceptacle de la subjectivité de celui-ci. Expliquer et comprendre 54La perspective que je viens d’esquisser qui s’efforce de concilier et d’articuler objectivité et subjectivité rejoint, pour une large part, celle développée par le philosophe et psychiatre Karl Jaspers quand il distinguait deux attitudes fondamentales dans la recherche de la vérité en psychologie verstehen comprendre et erklären expliquer. Il ne faisait ainsi que reprendre et prolonger une opposition élaborée par le philosophe allemand Wilhelm Dilthey. 55Comprendre, c’est s’efforcer de ressentir et d’imaginer la sub-jectivité d’autrui, dans sa singularité et son originalité; c’est tenter, par une ouverture sensible et intuitive, de se mettre à la place » de son interlocuteur dans une démarche d’empathie. Je me laisse pénétrer par les sensations, les émotions, les significations qui émanent de lui. Ainsi, la compréhension n’est pas seulement intellectuelle; elle implique le corps et les sentiments car la compréhension affective est la véritable compréhension de la vie psychique » [17]. Dans ce sens, la rencontre entre le psycho-logue et son client, entre le thérapeute et son patient est une relation intersubjective singulière d’interpénétration psychologique » dans laquelle chacun est profondément engagé en tant que personne, en résonance avec son interlocuteur. Expliquer, c’est tenter de mettre en lumière des liaisons objectives et régulières entre des facteurs observables pour dégager des lois générales qui transcendent la singularité et la variabilité des expériences individuelles. La démarche d’explication appréhende l’homme comme un organisme qui subit des excitations et y réagit par des comportements observables; elle s’efforce d’établir les mécanismes élémentaires, transpersonnels et extraconscients qui président aux fonctionnements psychiques. Elle trouve son expression la plus nette dans la psychologie expérimentale. Elle est au fondement de toute construction théorique. En psychologie, les théories naissent du besoin de dominer l’ensemble par un seul mode d’explication à l’aide d’un nombre fini d’éléments […] Il ne faut pas leur donner une valeur absolue au-delà de certaines limites, mais les employer dans ces limites, rigoureusement et avec ordre » idem, Ces limites naissent de la simplification, de l’abstraction et de la schématisation inhérentes à la théorie. 56La compréhension empathique vise le vécu subjectif et intersubjectif en faisant abstraction des constructions théoriques; l’explication théorique tend au contraire à dégager, àpartir des éléments observables, des concepts, des mécanismes généraux et des relations causales qui échappent à l’appréhension subjective. 57Mais si, pour Jaspers, ces deux démarches sont bien distinctes, il ne s’agit pas de les opposer. Elles sont toutes les deux nécessaires et complémentaires dans la psychologie et la psychopathologie. L’explication théorique doit constamment se mettre à l’épreuve de l’expérience clinique telle qu’elle résulte de la relation compréhensive patient-thérapeute et passer du général au particulier. La compréhension empathique a besoin, à certains moments, de prendre appui sur les théories explicatives pour éclairer ce qui est éprouvé et saisi intuitivement au travers de la situation et de la relation thérapeutique, et aller du particulier au général. 58Il convient donc de sortir d’une double illusion celle d’une compréhension sans théorie position défendue par certains thérapeutes ou d’une explication sans compréhension position de certains psychiatres. La première méconnaît le fait qu’on n’aborde jamais le patient sans préconceptions et sans être imprégné d’une certaine culture psychothérapique l’empreinte théorique n’est jamais aussi contraignante que lorsqu’elle n’est pas conscientisée. La seconde que la thérapie ne peut être la simple application d’une théorie ou d’une technique dans une démarche d’ expertise » qui oublie la relation interpersonnelle. 59Ainsi le thérapeute est à la fois acteur et participant d’une expérience existentielle et en même temps observateur et analyste de cette même expérience. L’implication préside à la première position, la distanciation à la seconde. Et c’est cette polarité qui définit la place du thérapeute. L’attitude compréhensive amène à privilégier ce qui advient dans l’ici et maintenant de la séance; l’attitude explicative cherche à jeter des ponts entre l’ici et l’ailleurs, entre maintenant et autrefois. 60La complémentarité des démarches souhaitée par Jaspers va être prônée encore, quelques décennies plus tard, par le psychanalyste Daniel Lagache dans des termes assez comparables. Lui aussi soutient qu’il y a une convergence possible entre l’approche naturaliste » fondée sur l’objectivation et l’expérimentation et l’approche humaniste » fondée sur la compréhension clinique L’expérimentation et la clinique peuvent non seulement se rejoindre mais se prêter appui » [18]. Hélas, un demi-siècle plus tard on semble encore loin de cette unité de la psychologie » qu’il appelait de ses vœux, comme les luttes sanglantes entre psychanalystes et partisans des TCC le démontrent tristement. 61Pourtant, cette orientation épistémologique reste toujours valable et toujours présente aujourd’hui, notamment chez les tenants de la pensée complexe et d’une démarche intégrative. C’est la position de Max Pagès lorsqu’il écrit La fécondation mutuelle de ces deux activités mentales, l’activité théorico-technique objectivante et l’ouverture existentielle à l’écoute de soi-même et de l’autre, me paraissent possibles et souhaitables, dans le travail clinique lui-même » [19]. POUR CONCLURE 62Claude Bernard, dans un texte fondateur de la démarche scientifique affirmait Il y a deux ordres de vérités ou de notions, les unes conscientes, intérieures ou subjectives, les autres inconscientes, extérieures ou objectives » [20]. Pour lui, la connaissance scientifique ne devait s’intéresser qu’aux secondes et rejeter les premières. 63J’ai voulu montrer qu’au contraire, dans le champ des sciences humaines, il était important de dépasser cette opposition pour fonder une connaissance qui conjugue ces deux ordres de vérité. Il s’agit de fonder une connaissance des phénomènes humains qui, sans abandonner les exigences d’une démarche scientifique, sache les adapter à l’objet spécifique qui est le sien et puisse intégrer la subjectivité et l’intersubjectivité. 64J’ai, au terme de ce parcours, un regret ou un remord celui de n’avoir pu ou su étayer davantage mon propos sur l’expérience clinique. Car la réflexion théorique n’a d’intérêt que si elle a une utilité pour la pratique et s’appuie sur elle. J’ai compté sur le lecteur pour confronter cette réflexion, largement abstraite, à son expérience concrète. 65Pour finir, je voudrais donner une dernière fois la parole à Edgar Morin qui m’a inspiré et soutenu dans ma propre réflexion Nous avons appris que, dans la recherche de la vérité, les activités autoobservatrices doivent être inséparables des activités observatrices, les autocritiques inséparables des activités critiques, les processus réflexifs inséparables des processus d’objectivation » [21]. PUBLICATIONS DE L’AUTEUR66Le guide pratique des psychothérapies, Retz, 2008. 67Le changement en psychothérapie, Dunod, 2002. 68Pratiquer la psychothérapie avec Alain Delourme, Dunod, 2004. 69L’école de Palo Alto avec Dominique Picard, Retz, 2004. 70Psychologie de l’identité, Dunod, 2005. Notes [1] Ce courant de la psychologie a été fondé aux Etats-unis par J. B. WATSON; il s’est exprimé dans un livre manifeste qui porte ce titre Behaviorisme, publié en 1925. [2] Comme la règle de non contradiction on ne peut pas dire en même temps d’un objet qu’il est blanc et qu’il n’est pas blanc. [3] Pour le philosophe des sciences Karl POPPER 1902-1994, ce qui caractérise un énoncé scientifique, c’est le fait qu’on puisse démontrer, à travers une expérience discriminante, qu’il est faux ou valide par exemple, l’affirmation de l’existence de Dieu n’est pas scientifique car aucune expérience ne peut la réfuter, cf. Logique de la découverte scientifique, 1934. [4] Bien sûr, certains analystes et thérapeutes conçoivent l’interprétation comme une simple hypothèse que le patient peut valider soit verbalement, soit plutôt par le changement qu’elle entraîne. [5] La méthode 4. Les idées, Le Seuil, coll. Essais, 1991. [6] M. PAGÈS, Psychothérapie et complexité, DDB, 1993, p. 12. [7] Op. cit., [8] Scandaleuse vérité, Librairie Arthème Fayard, [9] L’être et le Néant, Gallimard, 1943, p. 287. [10] Max PAGÈS, L’implication dans les sciences humaines, L’Harmattan, 2006, p. 20. [11] Paul VALÉRY, Œuvre, La Pléiade, [12] Comme j’ai essayé de le montrer à propos de FREUD dans son passage de la théorie de la séduction à la théorie du fantasme cf. Crise et transition dans le parcours de Freud », Connexions n° 76,2002. [13] Comme je l’ai montré pour l’étude du Soi dans mon ouvrage Psychologie de l’identité, Dunod, 2005. [14] De l’angoisse à la méthode dans les sciences de l’homme, Flammarion, 1980. [15] Op. cit., 1993, p. 303. [16] Leçon sur la leçon, Editions de Minuit, p. 22. [17] K. JASPERS, Psychopathologie générale, p. 252. [18] L’unité de la psychologie, PUF, 1949. [19] Psychothérapie et complexité, p. 305. [20] Introduction à l’étude de la médecine expérimentale [21] Op. cit., p. 245. L'ÉVANGILE DE LA VÉRITÉ Ioannes Alaythia * * * CHAPITRES 1 - 2 - 3 - 4 - 5 CHAPITRE 1 Récit des annales extrait de la conscience de Christ en nous, l'anticipation de la gloire, que l'Esprit des vivants, notre Souverain suprême nous accorde pour la gloire de son nom et pour l'édification des élus, selon le bon plaisir de sa volonté. La tempête éclata au crépuscule, les grondements de la foudre se firent entendre au milieu d'éclairs qui illuminaient le ciel obscurci, et la pluie commença à tomber avec des vents orageux. Deux hommes s'empressaient à grands pas pour atteindre l'Auberge du Vieux Moulin dans un petit village non loin d'Antioche, afin de ne pas être trempés. L'endroit était renommé pour son hospitalité et son potage chaud qui réchauffait les voyageurs. Ils décidèrent d'y passer la nuit et de reprendre la route au soleil levant. Ils avaient reçu un message à Jérusalem d'un ami, d'Alexandre le forgeron, demandant leur assistance pour l'accouchement de sa femme qui était tombée gravement malade. La sommation était urgente. Le temps pressait, il fallait arriver à Antioche avant son terme. Après avoir mangé, Jean et Luc se retirèrent à leur chambre, un petit recoin avec de la paille fraîche pour se reposer aux roucoulements des tourterelles qui s'y réfugiaient durant la tempête. À la lumière du jour, le soleil brillait de nouveau et ils reprirent la route, arrivant à leur destination vers midi. Traversant le grand marché, ils se procurèrent quelques fruits et légumes puis se rendirent à la maison d'Alexandre où ils furent reçus chaleureusement par leur ami et sa famille, incluant quelques soldats romains qui s'intéressaient dans le travail du forgeron. Après les échanges amicaux, ils passèrent à des choses plus sérieuses. Luc qui était médecin demanda de voir la femme d'Alexandre. On l'amena dans la chambre où elle se trouva, et voyant qu'elle faisait une grande fièvre et que c'était dangereux aussi pour l'enfant qu'elle portait, et qu'elle était fort agitée, ils se mirent en prière, implorant le Seigneur Jésus en sa faveur. Puis Luc lui prépara un remède de plantes médicinales et lui fit boire. Quelques temps après elle se calma, sa fièvre avait diminuée, et elle dormit paisiblement. Tous plein d'espérance se retirent dans la grande salle de la maison pour la fête, mais Jean demeurait avec elle pour veiller et prier. Plus tard il se joint aux autres et plusieurs voulaient entendre le message que le Seigneur leur avait donné pour eux. Des enfants, courant çà et là s'arrêtèrent subitement quand Jean commença à parler, leur annonçant à tous le message de la grâce souveraine dans le sacrifice de Jésus sur la croix. Les cœurs furent vivement touchés, et plusieurs qui étaient destinés à la vie éternelle, crurent en la parole de l'Esprit des vivants que Jean leur annonçait. Quelques romains lui demandaient Mais toi, qui es-tu pour nous parler de la sorte? Jean leur répondit Je suis ce que je suis par Celui qui est JE SUIS. Comme le fer chauffé au rouge dans la forge du divin Forgeron, il m'a mis sur son enclume et me frappa, et me frappa encore, puis me plongea de nouveau dans le feu de sa forge et m'en retira encore sur son enclume et me frappa, et me frappa encore, jusqu'à ce que je prenne la forme pour laquelle il m'a désigné une épée à deux tranchants dont le manche est plongé dans le sang du soleil, la lame dans le lait de la lune, et les tranchants dans le scintillement des étoiles, une épée pour le Roi de gloire. Sa lame ruisselle du sang de ses ennemis auxquels elle a tranchée la tête pour exposer leurs duplicités. Un de ses tranchants donne la mort éternelle et l'autre la vie éternelle. Mon nom est Ioannes Alaythia, l'Esprit des vivants fait Grâce de sa Vérité. Celui qui écoute mes paroles connaîtra la vérité, et la vérité l'affranchira de son esclavage, la duplicité n'aura plus de pouvoir sur lui. Sur ces paroles, un des soldats romains se lança à genoux devant Jean, baissa la tête et lui dit Maître, tu as les paroles de la vérité, tranches-moi la tête car je suis pécheur. Jean lui dit Lève-toi, je ne suis pas l'Esprit des vivants, mais celui qui admet ses péchés reçoit une nouvelle Tête qui est Christ, le Chef de son Corps et l'autorité Suprême. Sur cela plusieurs romains furent offensés et dirent Nous avons une seule autorité à savoir César et tu répondras devant lui pour ton affront. Mais Jean répondit César ne peut qu'affliger mon corps et le retenir sur des chaînes, mais mon esprit est libre en Jésus-Christ. Ils vinrent pour mettre les mains sur lui mais ils ne le purent, un ange du Seigneur apparut et la lumière de sa gloire les figeait tous dans un grand étonnement, car son temps n'était pas encore arrivé, il fallait qu'il proclame le message de la grâce en Jésus-Christ à plusieurs autres. Les romains tombèrent dans une confusion totale, ne pouvant plus distinguer la réalité et partirent sans aucun souvenir de l'évènement. Mais ceux qui crurent demeurèrent et reçurent la pleine réalisation de la Sainte Présence de Christ en eux, leur perception fut celle de l'héritage d'une gloire éternelle dans une existence sublime et incomparable. CHAPITRE 2 Alors, quelques temps après, pendant que Luc s'occupait de la femme d'Alexandre le forgeron, Jean se rendit sur la place du marché publique, proclamant et enseignant le message de la grâce en Jésus-Christ. Une foule s'assembla autour de lui pour entendre ses paroles. Jamais ils n'avaient entendu quelqu'un parler avec une telle autorité. Ses paroles étaient comme des fleuves d'eaux vivent, pleines de grâce et de vérité, traçant des sillons dans les consciences et pénétrant dans les cœurs enténébrés. Jean s'approcha d'un marchand de fruits, et après quelques mots avec lui, monta dans le chariot du marchand pour s'adresser à la foule. Prenant un fruit dans ses mains, il leur dit La vérité est le fruit de l'arbre planté dans la terre fertile de la grâce en l'assurance inébranlable du sacrifice de Jésus-Christ sur la croix, que les Juifs ont fait mourir par la main des romains. Mais trois jours après il ressuscita d'entre les morts et nous en sommes témoins, ayant partagé le pain avec Lui lorsqu'il nous est apparu avec les marques de la croix en son corps. Ce que nous avons vu de nos yeux et touché de nos mains, nous vous l'annonçons. En lui vous recevez le pardon de vos péchés et la vie éternelle dans le royaume de sa gloire. Il est le Souverain Suprême sur toutes choses qui ont été créées par lui. Les dieux de vos mystères ne peuvent que vous égarer dans des voies périlleuses pour la perte de vos âmes. Nous vous prions, soyez réconciliés avec l'Esprit des vivants qui a versé son sang sur la croix dans sa forme corporelle, étant né d'une vierge au temps désigné. Alors il donna le fruit à un jeune garçon qui le reçut avec joie en toute humilité et reconnaissance, leur disant Si vous ne recevez pas la vérité comme cet enfant, vous demeurerez dans les ténèbres de vos péchés. La femme d'un marchand de soi s'écria Donne-nous à manger de ce fruit. Et la mère de l'enfant se tenait près de Jean, lui dit Maître, permet nous de nous désaltérer de l'eau vive de tes paroles. Il leur parla donc des merveilles du trésor de la lumière de l'Esprit des vivants, le Souverain Suprême de l'existence. Ses paroles surgissaient de la conscience de la Sainte Présence de Christ en lui pour la gloire de son nom, dans tous les temps et dans toutes les générations, pour servir de témoignage à la vérité, et c'est lui-même qui écrivit qui vous parle dans les paroles que vous lisez à cet instant. Depuis toute l'éternité fut l'amour; il était avant le commencement, et resplendissait d'une lumière pure et sans tache. Et cette lumière vivante jaillit à l'infini par un mouvement perpétuel d'extase en épanouissement. Et ce mouvement est la vie manifestée par le Souffle de la Parole dans le cœur de la source des lumières, en laquelle il n'y a aucune variation ni ombre de changement. Il fit scintiller sa lumière dans mille myriades de rayons glorieux. Et chaque rayon était un messager de la lumière qui poussait un cri de joie, et qui chantait avec allégresse des louanges à l'Esprit des vivants dans le Saint des saints du Sanctuaire céleste de l'existence divine. Et la Parole exprima par la lumière que tout fut; et tout était, et tout avait le mouvement et l'être dans la lumière, pour la lumière, et par la lumière de la Parole de l'Esprit des vivants. Car l'unité de la lumière dans sa diversité d'expressions, produisit la matière, et la matière fut ainsi ordonné, équilibré, et mit en mouvement; formant les nébuleuses d'étoiles innombrables dont notre monde en est le centre et le soutient de ses pieds. Alors, un paysan de la région, disciple du dieu Apollon, intimidé par les Juifs, s'approcha de Jean, lui versant d'une petite cruche une coupe d'eau fraîche qui contenait un poison mortel. Jean, ne soupçonnant rien lui était reconnaissant, car il avait très chaud, prit la coupe et la bue en continuant d'enseigner la foule. Le paysan et les Juifs étaient perplexes devant ce qui se produisit. Ils s'attendaient que Jean tombe mort, mais rien n'arrivait. Alors dans la crainte et la confusion, le paysan dit aux Juifs J'ai dû me tromper et mettre le poison dans une autre petite cruche, car il y en avait plusieurs l'une à côté de l'autre. Puis il se versa une coupe d'eau de la même petite cruche qu'il versa à Jean et mourra dans d'affreuses convulsions en leur présence. Les assassins s'enfuirent donc de l'endroit avant que leur crime soit découvert. CHAPITRE 3 Un messager fut envoyé à Jean pour lui dire que Luc le demandait avec urgence à la maison d'Alexandre le forgeron. Arrivé à l'endroit Jean y vit plusieurs personnes qui criaient et se lamentaient. Luc vint vers lui et lui annonça que la femme d'Alexandre était morte avec l'enfant en son sein. Alexandre était devenu fou de rage, il était impossible à consoler. La perte de sa femme et de son enfant était trop pour lui, impossible à supporter. Il blasphémait contre l'Esprit des vivants et sa colère se porta surtout vers Luc et Jean, s'imaginant qu'ils étaient responsables pour cette triste situation. Il maltraita ses serviteurs à coups de bâton, en blessant un sérieusement qu'on craignait pour sa vie. Sous la direction de la Sainte Présence de Christ en eux, Luc et Jean décidèrent donc de partir avant que les choses s'aggravent davantage. Ils reprirent la route en direction de l'Auberge du Vieux Moulin, mais un ange de l'Esprit des vivants les avertis dans un songe de ne pas y retourner. Ils firent donc un détour passant par Laodicée pour se rendre à Damas puis Jérusalem. Traversant un petit village, ils s'arrêtèrent pour se procurer des vives et se reposer. Dans une vision de la nuit, ils apprirent qu'Alexandre le forgeron s'était donné la mission de persécuter les chrétiens et qu'il se rendait à Rome pour fabriquer des armes pour l'armée romaine. Les forgerons étaient en grande demande à cette époque. Ils reprirent la route le lendemain matin et se hâtèrent pour se rendre à Jérusalem pour avertir les frères de cette nouvelle menace. Chemin faisant, ils rencontrèrent un vieillard avec son mulet qui prenait un repos. Il les invita à briser le pain avec lui, ce qu'ils firent avec joie, ne sachant pas que c'était le Seigneur. Il leur dit Vous portez un fardeau insupportable qui affectera la vie de plusieurs. Puis il leur parla du fardeau de la croix et du dessin arrêté de l'Esprit des vivants pour la souffrance des élus dans les persécutions à venir. Puis il leur dit Un homme nommé Saul, que j'ai choisi, viendra et mettra plusieurs de vous en prison, et en fera périr plusieurs autres. Mais son cœur sera brisé et il deviendra aveugle dans la lumière de la révélation que JE SUIS. Lorsque ses yeux seront ouverts, il portera l'Évangile de la Vérité en toutes les nations. On l'arrêtera et on l'amènera prisonnier à Rome. Il sera exécuté pour la gloire de mon nom et Alexandre le forgeron sera son bourreau. Ils furent fortement émerveillés par les paroles du vieillard qu'ils prenaient pour un prophète. Et levant les yeux au ciel pour rendre gloire à l'Esprit des vivants, il disparut devant d'eux et ils ne purent le trouver, ni lui ni son mulet. Ils comprirent alors que c'était le Seigneur et se réjouirent grandement. CHAPITRE 4 Arrivé à Jérusalem, ils rencontrèrent les frères et leur fit part de ce qu'ils avaient vu et entendu lors de leur voyage. Jacques et Pierre particulièrement, considèrent la réalité des persécutions à venir, et surtout du personnage mystérieux de Saul, qui en Grec est Paul. À ce temps Rome dominait sur la Judée et les soldats romains avaient tués plusieurs Juifs lors d'une insurrection dirigée par les zélotes. Le Proconsul avait donné l'ordre de placer l'aigle romain sur le portique du temple, ce qui fut un blasphème odieux pour les Juifs, car le temple était un endroit sacré dédié au Souverain Suprême. Ils ne comprirent pas qu'il y avait eu un changement de dispensation, l'Ancienne Alliance étant remplacée par la Nouvelle Alliance dans le sang de Christ, et que le temple de l'Esprit des vivants est le corps des élus en qui habite la Sainte Présence de Christ. La destruction d'Israëlétait ainsi assurée comme l'avait prédit le Seigneur Jésus. Quelques mois après, un jour de Sabbat après la lapidation d'Étienne, ils étaient tous ensembles sous le portique du temple enseignant le peuple. Ils virent un homme se présenter devant le Sanhédrin pour recevoir l'autorité de se rendre à Damas persécuter les disciples de Jésus-Christ. Son nom était Saul de Tarse, pharisien et citoyen romain de naissance. Alors le sceau fut mis à la prophétie. Lors de la conversion de Saul, nommé Paul, sur le chemin de Damas, et malgré sa vue affaiblie par la lumière de la révélation, il reçut l'ordre du Seigneur Jésus-Christ d'amener le message de la grâce et de la vérité à toutes les nations. Paul avait été aveuglé pour un temps et ses yeux en subirent des conséquences, mais il voyait clairement la lumière de la vérité, ayant même été transporté au troisième ciel dans une vision, où il a vu et entendu des choses impossibles à décrire avec des paroles humaines. Il nous en donne la connaissance graduellement afin que la lumière de la vérité ne cicatrise pas nos consciences par les merveilles de la gloire céleste. Les voyages de Paul le portèrent aux confins de l'empire romain La Grèce, Rome, l'Italie, la Gaule celtique, l'Espagne, la Grande Bretagne, et plusieurs autres endroits. Tous ne sont pas mentionnés, mais tous reçurent l'Évangile de la Vérité. Avant de quitter ce monde, Paul avait dit Mon départ était prévu, mais dans les temps à venir un autre semblable à moi me remplacera, sur lequel vous n'aurez aucune puissance. Il proclamera l'Évangile de la Vérité au monde entier comme par le vol de l'aigle, puis après viendra la fin. CHAPITRE 5 Or nous l'avons connu les merveilles de la lumière céleste par l'Esprit de grâce et de vérité qu'il a mis en nous par le moyen de la foi qu'il nous a donné; et il a ouvert au milieu de nous sa connaissance dans le secret de sa sagesse, et la source de sa puissance. Nos yeux contemplèrent ses splendeurs, et nos cœurs en furent illuminés. Ainsi, il nous donna l'intelligence pour raconter l'abondance de ses merveilles, pour qu'elles soient écrites et transmises de génération en génération. Ainsi prophétisa Énoch, le septième après Adam "Je vous révèle encore un autre mystère Des livres de joie seront donnés aux justes et aux sages; et ils croiront en ces livres qui contiennent les règles de la sagesse". Énoch avait prévu la nécessité de ces choses, car le manque de connaissance engendre la destruction. Il faut donc recevoir et entendre la Parole de la vie, et garder la Parole de la persévérance. Ainsi la sagesse viendra dans nos cœurs, et la connaissance fera les délices de nos âmes, car la réflexion veillera sur nous, et la prudence nous gardera. Alors nous serons des hommes nouveaux qui transmettront et qui enseigneront la vérité à un monde aveugle; et nous serons les guides de l'ère nouvelle du nouveau millénaire, semant le blé de la Parole avec conviction et avec humilité et avec joie. La tâche qui nous est assigné est des plus importantes. Nous savons que notre cause est juste; allons d'avant sachant que nous avons un ministère qui surpasse la lumière de la conscience. Mettons de côté les choses enfantines, et devenons des hommes à la stature de Christ; car notre ministère ne vient pas de la sagesse humaine, mais de la révélation de l'Esprit des vivants, notre Souverain Suprême, notre Sauveur et notre Seigneur. L'aperçu de son message est l'Appel à Renaître qui nous dirige pas à pas du péché et du désespoir, vers la plénitude de la présence de Christ en nous, l'anticipation de la gloire. Cette assurance nous la possédons maintenant, et cette présence nous fertilise afin que nous produisions le fruit d'un ministère qui nous donne l'opportunité d'être une bénédiction à nos frères, afin que notre existence ne soit pas en vain. Ceci est l'essence d'une nouvelle vie qui ne change pas selon les coutumes des hommes. Elle est divinement approuvée, car elle est le sceau de tous ceux qui sont appelés et dirigés de l'Esprit des vivants. Ainsi la victoire leur est assuré, et le message de notre Roi, Emmanuel, sera délivré. Ne résistons point à cette grâce par notre désobéissance, afin que celui qui a commencé en nous cette bonne œuvre la rendre parfaite, lorsque le Seigneur de gloire apparaîtra pour être glorifié en nous, et admiré dans tous ceux qui auront cru; alors tout œil le verra. C'est ainsi que s'accomplira la promesse de son avènement. Or sur ces choses il fut écrit anciennement dans l'antiquité Dans les derniers jours, la Bête arrachera du milieu des douze la plante qu'ils auront élevé, et elle tombera entre ses mains. Et la plupart de ceux qui se seront réunis pour recevoir le BIEN-AIMÉ, se tourneront vers l'adversaire. Car au sujet du second avènement de Christ, les disciples négligeront la doctrine et altéreront la foi. Et il y aura des disputes sur son premier et sur son dernier avènement. Et il y aura des anciens qui seront iniques, et des pasteurs qui seront oppresseur de leurs propres troupeaux. Ils seront des rapaces qui négligeront leurs devoirs les plus sacrés. Et beaucoup dans ces jours-là obtiendront par complots leurs charges, sans avoir la sagesse qui en rend digne. Ils seront des gardiens aveugles, sans intelligence. Ils seront tous des chiens muets, incapable d'aboyer. Ils seront des chiens voraces, insatiables. Ils seront des bergers qui ne savent rien comprendre. Tous suivront leur propre voie, chacun selon son intérêt particulier, jusqu'au dernier. Ils jugeront pour des présents, enseigneront pour un salaire, et prédiront pour de l'argent. Et beaucoup échangeront leurs nobles vêtements de saints pour la robe de ceux qui ont des richesses. On fera acception des personnes, et l'on recherchera les hommes de ce monde. On vous dira Venez, je vais chercher du vin, et nous boirons des liqueurs fortes. Nous en ferons autant demain, et beaucoup plus encore. Et Il y aura des calomnies et des calomniateurs qui ne se réjouiront point de l'approche du Fils de l'Homme, et beaucoup seront privés des lumières de l'Esprit-Saint. Et il n'y aura dans ces jours, que peu de prédicateurs qui, en différents endroits, annonceront les grandes vérités. Et cela à cause de l'esprit d'ignominie et d'avarice qui inspirent ceux qui disent Devenez les esclaves de l'or et de ceux qui le possèdent. Et de grandes haines s'élèveront entre les pasteurs, des anciens et les disciples. Et la convoitise s'emparera de la plupart des cœurs, et chacun ne parlera que des objets de son envie. On négligera les oracles des saints prophètes, et ont se laissera aller aux bouillonnements de son cœur. Telle est l'époque qui doit venir et qui maintenant est avec nous. Alors le moment vient et est déjà à la porte; la vengeance de l'Esprit des vivants, notre Souverain Suprême, est à la main. Christ en nous, nous témoigne de cette vérité, sa colère s'abattra sur la race humaine et aucun n'échappera. Le Fils de l'Homme apparaîtra de son trône royal dans le cœur de ses élus, dans une flamme de feu; et il surgira de sa sainte habitation en eux, les transformant en sont image, et les unissant comme des pierres vivantes, en un Temple glorieux; révélant au monde l'unité de son Corps; et toute œil le verra. Car la lumière qui sortira de chacun d'eux sera si grande, que les cieux entiers ne pourront la contenir. Comme un feu vivifiant, elle inondera la terre et dissipera les ténèbres pour toujours. Et en un instant, dans un clin d'œil, et la création entière sera changée. C'est ainsi que l'Époux aura reçu l'Épouse pour célébrer le banquet des noces de l'Agneau. Car ils entreront dans la chambre nuptiale pour l'épanouissement éternel de la gloire divine, et l'exaltation suprême de l'unité céleste. Car il faut que la Jérusalem terrestre du faux christianisme disparaisse pour qu'apparaisse la Jérusalem céleste de la royauté sublime, où entrera seul ceux dont le nom est écrit dans le Livre de vie de l'Agneau. Or nous savons que, lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. Quiconque a cette espérance en lui ce purifie, comme lui-même et pur. Puis l'Esprit dit Habitez en moi, dit le Seigneur, et j'habiterai en vous à jamais; car JE SUIS, J'AIME et JE SAUVE tous ceux que j'ai choisi avant la fondation du monde selon le bon plaisir de ma volonté. Grand est notre Seigneur et grande est sa puissance. Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, par la grâce de notre Seigneur et notre Esprit des vivants et Souverain Suprême, Jésus-Christ, à qui convient toute gloire et toute louange, maintenant et dans tous les temps et éternellement. Moi, Ioannes Alaythia, je témoigne de ces choses par la grâce qui m'est donnée en Jésus-Christ. Shalom! Paix à ceux qui lisent et à ceux qui écoutent, ainsi qu'à leurs familles. Amen! La conscience morale n’est pas un absolu. Elle ne peut se comparer à un instinct qui éviterait la réflexion, l’information, le débat, la prudence et le discernement. La liberté de conscience est liée à la recherche de la que la conscience ?Répondre à cette question brutalement posée suppose qu’on s’intéresse à l’usage que nous faisons du mot dans le quotidien de nos vies. Car s’il y a problème de définition, c’est que le mot se rencontre dans un grand nombre de phrases et d’expressions dans lesquelles il reçoit un très grand nombre de sens premier sens peut faire référence à la connaissance de quelque chose comme dans les expressions "Je prends conscience de", "J'ai conscience de", "Je suis conscient de". Conscience dit alors connaissance, clarté ou simplement pensée d'une chose en soi ou hors de deuxième sens, psychologique, se rencontre dans les usages suivants "Entrer dans notre conscience", "Perdre conscience", "Être inconscient de". Notons que dans ces cas, on peut parler de perte, de disparition d'un sentiment plus ou moins confus, mais sensible, d'une présence à soi et au monde. Alors que le premier groupe d'expressions témoignait de ce qui est présent en notre esprit, ce deuxième ensemble pose la question philosophique de savoir si nous avons toujours conscience de ce dont nous avons philosophes ont bien mis en évidence que la conscience réflexive a ses limites. Freud nous a enseigné que certains contenus de la conscience, ceux qui forment la vie psychique inconsciente, restent par nature inaccessibles."J'ai ma conscience pour moi !"Reste un troisième sens, celui de la conscience morale qu'on rencontre dans les usages suivants "Es-tu bien conscient de ce que tu engages ?", "J'ai mauvaise conscience", "J'ai ma conscience pour moi", "avoir la conscience tranquille", "avoir un cas de conscience", "agir en son âme et conscience". La conscience fait alors référence à l'expérience de la responsabilité. "Être inconscient", c'est agir au mépris de la prudence, dans l'ignorance des risques qu'on court ou fait courir aux autres. La conscience, dans ces cas, joue le rôle d'une instance de jugement ou de justification en lien avec une capacité d'intelligence et de liberté. Or, reconnaissons-le, le recours à la conscience est de nos jours bien paradoxal. D'un côté, il semble qu'on n'a jamais fait autant appel à la conscience pour justifier les positions éthiques nom d'une morale où chacun cherche l'épanouissement de sa responsabilité et de sa liberté, le recours à la conscience témoignerait en faveur d'une maturité éthique de nos contemporains, capables de discernement en situation pluraliste. Chacun, en conscience, semble pouvoir trouver des critères justes et bons pour se décider à agir éthiquement. Chacun, pour justifier ses actes, peut dire "J'ai ma conscience pour moi !" D'un autre côté, il n'est pas certain qu'en faisant appel à la conscience, nos contemporains aient l'idée que cette conscience morale soit constitutivement conscience universelle de ce qui est bien et de ce qui est mal en à connaître la véritéCe sont ces questions sur les risques et les ambiguïtés de la conscience morale moderne qui expliquent la position nuancée, voire méfiante, de l'Église catholique vis-à-vis de celle-ci. D'un côté, la tradition chrétienne tient ferme que la conscience est bien ce lieu où s'exprime éminemment la dignité de l'être moral. Vatican II a fait un exposé clair et concis dans Gaudium et spes au paragraphe 16 de ce qu'il faut entendre par conscience "Au fond de sa conscience, l'homme découvre une loi, qu'il ne se donne pas à lui-même, mais à laquelle il doit obéir, et dont la voix, qui l'appelle sans cesse à aimer et à faire le bien, et à éviter le mal lorsqu’il le faut, résonne à l'ouïe intérieure "Fais ceci, évite cela".Le ton est le même chez le pape Jean-Paul II "Aucune autorité humaine n'a le droit d'intervenir dans la conscience de quiconque. La conscience est le témoin de la transcendance de la personne, même en face de la société, et, comme telle, elle est inviolable. [...] Nier à une personne la pleine liberté de conscience, et notamment la liberté de chercher la vérité, ou tenter de lui imposer une façon particulière de comprendre la vérité, cela va contre son droit le plus intime" 1.Mais si la conscience est ce lieu d'origine de la moralité, au plus intime de nous-mêmes, n'oublions pas la réserve apportée un peu plus loin par Jean-Paul II "Cependant la conscience n'est pas un absolu qui serait placé au-dessus de la vérité et de l'erreur ; et même sa nature intime suppose un rapport avec la vérité objective, universelle et égale pour tous, que tous, que tous peuvent et doivent chercher".Autrement dit, s'il y a liberté de conscience, c'est pour la vérité "Il ne suffit donc pas de dire à l'homme Obéis toujours à ta conscience. Il est nécessaire d'ajouter immédiatement Demande-toi si ta conscience dit le vrai ou le faux, et cherche, sans te lasser, à connaître la vérité" 2. La conscience est donc liée à d'autres références qu' conscience a besoin de guidesVoilà qui peut être partagé avec beaucoup de nos contemporains. N'oublions pas que la conscience, telle que nous l'avons vu fonctionner chez les dissidents des pays de l'Est dans les années 70, ne saurait être de l'ordre de l'opinion et de l'arbitraire. Sinon, quelle serait sa force d'obligation et d'attestation ? À partir de là, même si les époques moderne et contemporaine ont connu une véritable révolution dans la définition de la conscience morale, l'opinion, de plus en plus répandue, selon laquelle la conscience serait aujourd'hui la simple façade d'un nihilisme ou d'un relativisme moral exacerbés, n'est pas juste. Certes, la conscience morale ne fonctionne plus à la manière des sources morales dont la théologie chrétienne a fourni les modèles. Mais reste, dans le témoignage des dissidents, la question de l'accès à la vérité et de l'intégrité d'une vie qui en le problème de la fragilité de la conscience. Car la conscience, ordonnée à la vérité, ne devrait pas se tromper. Or l'expérience la plus courante lui apporte des démentis. En fait, c'est une méprise que de penser que la conscience morale, spontanée, agirait comme par instinct et pourrait éviter la réflexion, l'information, le débat et le discernement. On peut être responsable de son erreur, notamment quand on néglige de développer ses connaissances morales, d'examiner les circonstances de l'action, ou lorsqu'on se laisse guider par paresse, précipitation ou passion. C'est pourquoi on ne peut pas évoquer la conscience morale sans parler de sa formation. La conscience a besoin de guides lecture sérieuse de l'Écriture, tradition, expérience partagée avec la communauté croyante, écoute des frères, information... Nous ne pouvons être excusés d'une faute commise par ignorance que si nous avons fait ce qui est en notre pouvoir pour éclairer notre action. La conscience est en nous le témoin et l'organe de la vérité et du bien. Elle en a les promesses. Elle ne peut pas se dispenser de les se construit dans le dialogueIl est difficile pour nos contemporains de juger de l'errance de la conscience dans un monde pluraliste, parce qu'ils sont incapables de reconnaître unanimement une vérité partagée et atteignable par tous. Pourtant, plus que jamais, face à l'individualisme radical qui mène à un respect qui sonne faux quand il abandonne l'individu à lui-même, il nous faut tenir que la conscience se construit dans le dialogue. Elle se détruit et se pervertit dans l'isolement social. Sans dialogue, il n'y a pas de chance pour une universalisation de nos conduites comme signe que nous sommes compagnons de la même pour cette raison que le théologien protestant américain H. Richard Niebuhr décrivait l'expérience de la conscience morale comme "une conversation". Une conversation qui ne saurait faire fi des situations et de la temporalité, et qui oblige à expliciter ses raisons et à les soumettre à la critique des autres. Par ce travail, la conscience peut se trouver fortifiée, confirmée ou transformée par la médiation d' la conscience puisse se laisser éduquer par cette vie de relation entre les êtres se défend d'autant plus théologiquement que Dieu est pour le chrétien "moins l'autre extérieur à toute relation que Celui qui, du dedans même de la démarche humaine, contribue à son bien-fondé et donne le goût de s'avancer dans l'aventure de la communication" 3. Là est sans doute une conviction essentielle du chrétien qui devrait lui permettre de comprendre pourquoi l'Église, tout en tenant à l'éminente dignité de la conscience personnelle, renvoie chacun au discernement en communauté.1 Jean-Paul II, "Message pour la Journée de la Paix", La Documentation catholique, n° 2020, 20 janvier 1991, p. 54.2 Jean-Paul II, Audience générale du 17 août 1983, La Documentation catholique, n° 1860, 16 octobre 1983, p. 937.3 Paul Valadier, Éloge de la conscience, Seuil, 1994, p. 168. Augustin, de l'utilité de la foi. - CHAPITRE VII. OU CHERCHER LA RELIGION VÉRITABLE?CHAPITRE VII. OU CHERCHER LA RELIGION VÉRITABLE? 14. Maintenant j'achèverai ce que j'ai commencé; mais, sans chercher à t'exposer en ce moment la foi catholique, je t'engagerai à en scruter les mystères, et pour cela je te ferai voir comment ceux qui s'intéressent à leur âme, peuvent espérer de la faveur divine trouver la vérité. Chacun sait que celui qui recherche la vraie religion, croit déjà à l'immortalité de l'âme à qui cette religion est utile, ou encore qu'il veut trouver cette immortalité dans la religion même. Toute religion a donc l'âme pour cause; car la nature 41 du corps, quelle qu'elle soit, n'inspire ni souci ni inquiétude, surtout après la mort, à celui dont l'âme a en vue d'être heureuse. Ainsi donc la religion, même la plus vraie, s'il en est une, a été établie à cause de l'âme et de l'âme seule. Mais cette âme, nous verrons par quel motif, ce qui est fort obscur, je l'avoue; cette âme commet des erreurs et des fautes, comme nous le voyons, jusqu'à ce qu'elle atteigne et possède la sagesse, et peut-être cette sagesse est-elle la vraie religion. Est-ce là te renvoyer à des fables? Te forcé-je à croire quelque chose sans motif, au hasard? Je dis que notre âme, entourée, enveloppée de toutes parts d'erreur et d'ignorance, cherche le chemin de la vérité, s'il en est un. Si les choses ne se passent pas ainsi en toi, pardonne-moi mon langage, et fais-moi part de ta sagesse, je te prie; mais si tu reconnais en toi ce que je dis là, examinons la vérité ensemble. 15. Figure-toi que jusqu'ici nous n'avons entendu personne encore nous parler de la religion. C'est là pour nous une chose nouvelle, une affaire à examiner. Sans doute que s'il existe une religion, il faut chercher des maîtres qui nous l'enseignent. Suppose que nous en avons trouvé n'ayant pas les mêmes idées, et désirant nous attirer à eux par des opinions différentes, mais qu'il en est quelques-uns dont la renommée pour le moment brille entre tous, et occupe l'attention de presque tous les peuples. C'est une grande question de savoir si ces derniers possèdent la vérité; mais ne faut-il pas tout d'abord les connaître, pour que notre erreur, bien naturelle, puisque nous sommes mortels, semble, tant qu'elle durera, partagée par le genre humain lui-même? 16. Mais, diras-tu, la vérité ne se trouve que chez un petit nombre d'hommes. Tu sais donc déjà ce qu'elle est, si tu sais chez qui elle est. Ne t'avais-je pas dit, il y a un instant, de la chercher avec moi comme si nous étions des novices? D'après la nature même de la vérité, tu penses donc que peu d'hommes la possèdent, mais tu ne sais pas qui ils sont; eh quoi? ces hommes peu nombreux qui connaissent le vrai, n'exercent-ils pas sur la multitude une autorité puissante, et ne voit-on pas de cette multitude sortir un petit nombre d'hommes seulement, capables de pénétrer ces mystères? Ne voyons-nous pas combien est petit le nombre de ceux qui atteignent à la haute éloquence, bien que dans tout l'univers les écoles des rhéteurs soient fréquentées par une foule bruyante de jeunes gens? Est-ce que, effrayés de la multitude des ignorants, ceux qui veulent devenir de bons orateurs, croient devoir étudier les discours de Cécilius ou d'Erucius plutôt que ceux de Cicéron? Tous vont aux oeuvres que le témoignage de nos pères a consacrées. La foule des ignorants cherche à s'instruire des mêmes choses que le petit nombre des savants a cru devoir apprendre; mais fort peu les comprennent, bien moins encore les pratiquent, quelques-uns seulement s'y distinguent. La vraie religion ne serait-elle pas quelque chose de semblable?La multitude des ignorants ne fréquente-t-elle pas les églises, sans être pour cela une preuve que personne d'entre eux soit profondément versé dans les mystères de la foi? Et cependant, si ceux qui étudient l'éloquence étaient aussi peu nombreux que les hommes éloquents, jamais nos parents ne croiraient devoir nous confier à de pareils maîtres. Ainsi donc, puisque la multitude qui se compose en grande partie d'ignorants, nous invite à ces études, et nous fait aimer ce qui ne peut être que le partage d'un petit nombre, pourquoi, quand il s'agit de la religion, ne pas accepter un motif semblable, et le mépriser peut-être au grand préjudice de notre âme? Si le petit nombre de ceux qui pratiquent le culte de Dieu dans toute sa vérité et sa sincérité, voient cependant leurs opinions partagées par la multitude, malgré les passions,qui l'entraînent et l'obscurité de son intelligence, ce dont on ne saurait douter; je te le demande, que pourrions-nous répondre à celui qui blâmerait notre légèreté et notre indolence, et qui nous verrait si peu empressés à écouter les docteurs sur des vérités que nous avons à coeur de connaître? La multitude m'a retenu? Mais pourquoi, s'il s'agit d'étudier les arts libéraux, qui sont à peine de quelque utilité pour la vie présente, ou d'amasser de l'argent, ou d'arriver aux honneurs, ou d'acquérir et de conserver une bonne santé, ou de jouir enfin des douceurs de la vie, pourquoi, quand tous se livrent à des soins si rarement couronnés d'un plein succès, n'en est-on pas détourné par la multitude? 17. Mais dans ces livres il y a des absurdités. Qui l'affirme? Des ennemis de l'Eglise sans doute; pour quel motif, pour quelle 42 raison, peu importe; il ne s'agit pas de cela maintenant, il suffit que ce soient des ennemis. Eu les lisant, j'ai pu en juger par moi-même. Eh quoi! si tu n'entendais rien à l'art des poètes, tu n'oserais pas toucher à Térentianus Maurus sans le secours d'un maître; on a recours à Asper, à Cornutus, à Donatus, et à une foule d'autres, pour pouvoir entendre le premier venu de ces poètes dont les pièces obtiennent les applaudissements du théâtre; et quand il s'agit de ces livres qui, tout décriés qu'ils peuvent être, n'en sont pas moins saints et remplis de choses divines, de l'aveu du genre humain tout entier; tu te jettes dessus sans guide, tu oses porter sur eux un jugement sans consulter un maître; et si tu rencontres certaines choses qui paraissent absurdes, tu n'en accuses pas ton incapacité et la corruption dont ce monde a souillé ton âme et celle de tous les insensés; tu préfères t'en prendre à ces livres qui ne sauraient être entendus par des personnes de ton caractère!Cherche un homme à la fois pieux et instruit, ou qui, de l'avis d'un grand nombre, soit réputé tel que ses leçons puissent te rendre meilleur et sa science plus habile. Tu ne le trouves pas facilement? Donne-toi de la peine pour le trouver. Il n'y en a pas dans le pays que tu habites? Quel motif pourrait te faire entreprendre un voyage plus utile? On n'en connaît point du tout, ou bien il n'y en a pas sur le continent? Prends la mer. Situ n'en trouves point au rivage où tu débarqueras, va-t-en jusqu'en ces contrées où se sont passés, dit-on, les événements contenus dans ces livres. Est-ce là ce que nous avons fait, mon cher Honorat? Et cependant cette religion peut-être très-sainte car j'en parle encore comme si c'était chose douteuse, dont le culte a déjà envahi l'univers tout entier, nous autres, chétifs enfants, nous avons porté sur elle une sentence de condamnation 1 Mais si ces détails qui, dans ces mêmes Ecritures, semblent blesser quelques ignorants, ont été placés là pour que, en lisant des choses qui répugnent au bon sens d'un homme quelconque, à plus forte raison d'un homme sage et saint, nous en cherchions avec beaucoup plus de soin la secrète signification? Ne vois-tu pas comment on cherche à interpréter le mignon des Bucoliques, qui a dédaigné, un berger grossier; et comme on prétend que le jeune Alexis, sur lequel Platon passe pour avoir fait un poème érotique, signifie quelque chose de grand, mais qui échappe au discernement des ignorants? On veut ainsi qu'un grand poète ait pu faire entendre sans aucune impiété des chants licencieux. 18. Mais qui pouvait réellement nous arrêter et empêcher nos recherches? Etait-ce la teneur de quelque loi, ou la puissance de nos adversaires, ou un caractère vil chez les prêtres, ou un renom fâcheux, ou la nouveauté de l'institution, ou un culte pratiqué en secret? Rien de tout cela. Toutes les lois divines et humaines permettent de rechercher la foi catholique. Quant à la conserver et à la pratiquer, c'est chose autorisée, du moins parla loi humaine, si on ne sait encore ce que permet la loi divine tant qu'on est dans l'erreur. Notre faiblesse n'a pas à craindre d'ennemi; du reste, si en cherchant la vérité et le salut de notre âme par les voies les plus sûres, nous ne pouvons y arriver, nous n'en devons pas moins poursuivre ce but à travers tous les dangers. Toutes les dignités, toutes les charges se dévouent avec ardeur à ce culte divin; le nom de la religion est ce qu'il y a de plus honorable et de plus éclatant. Qui empêche enfin de voir et d'examiner avec un soin pieux, si cette religion est celle que nécessairement peu d'hommes connaissent et gardent dans toute sa pureté, bien que tous les peuples manifestent pour elle des dispositions favorables? 19. Les choses étant ainsi, suppose, comme je l'ai dit, que,nous cherchions pour la première fois la religion qui doit purifier et fortifier nos âmes; sans aucun doute, il faut commencer par l'Eglise catholique. En effet, les chrétiens sont déjà plus nombreux que les juifs réunis aux adorateurs des idoles. Or, ces mêmes chrétiens, bien qu'il ait parmi eux plusieurs hérésies, que tous les sectaires prétendent être catholiques; et donnent le nom d'hérétiques à ceux qui ne pensent pas comme eux, ces chrétiens, d'un avis unanime, forment une seule Eglise; et cette Eglise, à considérer l'univers entier, est plus nombreuse, et, comme l'affirment ceux qui la connaissent, possède une vérité plus pure que toutes les autres. Il ne s'agit pas ici de cette question de la vérité; ce qui suffit pour nos recherches, c'est que la seule Eglise catholique est celle à laquelle les autres sectes donnent des noms divers, tandis qu'elles-mêmes ont chacune une désignation propre qu'elles n'osent 43 repousser. On peut voir par là, quand nulle influence n'agit sur nos jugements, à quelle église doit être attribué ce nom de catholique, objet de l'ambition de toutes. Mais, pour ne pas entrer inutilement dans une discussion fort longue et superflue, disons que l'Église catholique est certainement la seule où les lois humaines elles -mêmes sont aussi en quelque façon des lois chrétiennes. Je ne veux tirer de là aucune conclusion préjudiciable; je me borne à y voir un point de départ très-favorable pour nos recherches. Il n'est pas à craindre que le vrai culte de Dieu soit dépourvu de toute force propre et ait besoin d'être soutenu par ceux qu'il doit au contraire soutenir; et certainement il est très-heureux que l'on puisse trouver la vérité, là où il n'y a aucun danger ni à la chercher ni à la conserver; si on ne peut la trouver là, c'est alors qu'il faut, au mépris de tous les dangers, aller la chercher VIII. COMMENT L'AUTEUR EST DEVENU CATHOLIQUE. 20. Les choses ainsi établies, et, à mon avis, elles sont si justes que je dois gagner ma cause auprès de toi, quel que soit mon adversaire, je vais te faire connaître, autant que possible, la route que j'ai suivie, alors que je cherchais la vraie religion dans cet esprit qui doit, comme je viens de l'exposer, présider à cette recherche. Dès que je vous eus quittés et que j'eus traversé la mer, je me sentis hésitant, incertain de ce que je devais croire, de ce que je devais rejeter. Cette hésitation augmenta de jour en jour du moment où j'entendis cet homme, dont l'arrivée nous était promise, tu le sais, comme celle d'un envoyé du ciel, destiné à lever tous nos doutes, cet homme enfin qu'à part une certaine éloquence, j'ai reconnu être tel que les autres hommes. Je me mis à réfléchir en moi-même, à délibérer longuement, dans cette Italie où j'habitais, me demandant, non pas si je resterais dans cette secte où je me repentais de m'être engagé, mais de quelle manière je trouverais la vérité, pour laquelle, tu le sais mieux que personne, j'ai versé tant de soupirs. Souvent cette vérité me semblait ne pouvoir être trouvée, et, dans le tumulte de mes pensées, je me sentais entraîner vers la philosophie académique. Puis, me reprenant à considérer de toutes mes forces l'esprit humain, si vif, si pénétrant, si perspicace, je me disais que, si la vérité lui restait cachée, c'était uniquement parce que le moyen de la chercher restait caché en elle, et qu'il fallait demander ce moyen lui-même à quelque autorité divine. Restait à savoir quelle était cette autorité, puisque, dans ce conflit d'opinions, chacun promettait de la faire connaître. Devant moi se présentait donc une forêt d'opinions sans issue, dans laquelle je regrettais beaucoup de m'être engagé; et, pendant ce temps, mon esprit était tourmenté sans repos ni trêve du désir de trouver la vérité. Toutefois, je me détachais de plus en plus des Manichéens que j'avais résolu d' une situation si périlleuse, il ne me restait qu'à supplier avec des larmes et d'une. voix lamentable la divine Providence de me' prêter secours. C'est ce que je faisais assidûment, et déjà quelques entretiens de l'évêque de Milan m'avaient à peu près ébranlé, de sorte que je désirais, non sans quelque espoir, étudier dans l'Ancien Testament même, bien des passages qu'on nous avait fort mal présentés, comme tu le sais, et que nous avions en horreur. J'avais enfin résolu d'être catéchumène dans l'église où j'avais été élevé par mes parents, jusqu'à ce. que je pusse trouver ce que je désirais, ou me persuader qu'il fallait renoncer à mes recherches. Aussi eût-il trouvé en moi un disciple bien préparé et fort docile, le maître qui, à cette époque, aurait pu m'instruire. Si donc tu vois que ton âme ait été agitée longtemps comme la mienne et par des soucis semblables, s'il te semble que tu aies déjà été assez ballotté, si enfin tu veux mettre un terme aux ennuis de cette espèce; suis la voie de la doctrine catholique, qui est venue de Jésus-Christ lui-même par les Apôtres jusqu'à nous, et qui passera de nous aux générations IX. ÊTRE CROYANT ET ÊTRE CRÉDULE. 21. C'est là une chose ridicule, diras-tu, puisque tous prétendent posséder cette doctrine et l'enseigner. - Que tous les hérétiques aient cette prétention, je ne puis le nier; mais en même temps ils promettent à ceux qu'ils veulent séduire, de rendre raison des choses les plus obscures, et par suite ils blâment surtout l'Église catholique d'imposer à 44 ceux qui viennent à elle l'obligation de croire, tandis qu'eux se glorifient de ne pas imposer le joug de la foi, et d'ouvrir au contraire les sources de la science. Que peut-on avancer, me diras-tu, qui soit plus à leur avantage? C'est une erreur. Leurs promesses ne reposent sur rien de solide; ils n'ont en vue que de se concilier la foule à l'aide de ce mot, la raison. Naturellement l'esprit humain aime qu'on lui tienne ce langage, et sans considérer son état de force et de santé, il veut vivre comme s'il était bien portant, d'une nourriture qui ne convient qu'aux forts, et il court aux poisons que lui verse le mensonge. Pour la vraie religion, à moins de croire d'abord ce que chacun admet ensuite et comprend, s'il se conduit bien et s'il se montre digne d'elle, en un mot, à moins de se soumettre à quelque autorité imposante, il est impossible de s'en bien pénétrer. 22. Mais peut-être ici désires-tu avoir un motif pour te persuader que la foi doit avant la raison te servir de maître. La chose est facile, si toutefois tu m'écoutes sans prévention. Mais, pour plus de commodité, je désire que tu répondes à mes questions, et d'abord que tu me dises pourquoi il te semble que la foi doit être écartée. Parce que, diras-tu, la crédulité même, d'où vient le mot crédule, me semble être un défaut, sans quoi nous n'emploierions pas ce terme comme nous le faisons, dans un sens injurieux. Car si l'homme soupçonneux est répréhensible en ce qu'il soupçonne ce qui ne lui est pas démontré, combien est plus répréhensible l'homme crédule, qui ne diffère du soupçonneux qu'en ce que l'un hésite à admettre ce qu'il ne connaît pas, tandis que l'autre n'hésite Pour le moment, j'admets cette opinion et cette distinction. Mais tu sais aussi que le mot curieux ne s'emploie guère sans une idée de reproche, tandis que le mot studieux implique au contraire une idée d'éloge. Voyons donc, si tu veux bien, la différence qu'il y a aussi pour toi entre ces deux termes. Tu répondras sans doute que, bien que leur conduite à tous deux soit inspirée par un grand désir de savoir, cependant le curieux s'enquiert de choses qui ne le regardent pas, tandis que le studieux s'enquiert de choses qui le regardent. Mais un homme évidemment est intéressé au salut de sa femme et de ses enfants; eh bien! que cet homme, se trouvant en pays étranger, demande avec empressement à tous ceux qui arrivent, comment se portent et ce que font sa femme et ses enfants, assurément il est mû par un grand désir de connaître; et cependant nous ne l'appelons pas studieux, cet homme qui désire vivement connaître, et connaître des choses qui l'intéressent au plus haut point. Tu vois donc que cette définition du mot studieux, n'a rien de solide, puisque tout homme studieux vent connaître, il est vrai, des choses qui le concernent, mais que tous ceux qui agissent ainsi, ne peuvent être appelés de ce nom; il s'applique à celui qui s'enquiert avec empressement de ce qui peut nourrir noblement et embellir son âme. Cependant, nous appelons bien quelqu'un studens, surtout quand nous ajoutons ce qu'il désire entendre dire. On peut aussi appeler studiosus suorum, celui qui n'aime que les siens; toutefois, si l'on n'ajoute pas un complément, je ne,pense pas que l'on puisse dire en général studiosus. Je ne dirais pas d'un homme désireux d'apprendre ce que font les siens, qu'il est studiosus audiendi, à moins que la joie d'apprendre une bonne nouvelle ne lui fît souvent désirer qu'on la lui répétât; mais je dirais qu'il est studens, ne posât-il la question qu'une fois. Revenons maintenant au mot curiosus, et dis-moi si quelqu'un aimait entendre un conte qui ne lui servît absolument à rien, c'est-à-dire qui ne le concernât pas, et cela, sans le demander d'une façon fatigante et souvent, mais fort rarement, fort tranquillement, à table, ou dans quelque cercle, ou dans quelque réunion, te paraîtrait-il curiosus? Je ne le pense pas; mais il te paraîtrait certainement soucieux de la chose qu'il aimerait entendre raconter. La définition du mot curiosus doit donc être modifiée aussi de la même façon que celle du mot studiosus. Vois s'il n'en est pas de même des termes employés précédemment. Ne doit-on pas éviter d'appeler soupçonneux celui qui a quelquefois quelque soupçon, et crédule celui qui croit quelquefois à quelque chose? Ainsi, de même qu'il y a une grande différence entre l'homme qui désire quelque chose, et l'homme généralement désireux, et aussi entre l'homme qui s'occupe d'une chose et l'homme curieux, il y en a une très-grande aussi, entre l'homme qui croit et l'homme X. LA FOI EST A LA PORTÉE DE TOUS. 23. Mais, diras-tu, voyons maintenant s'il faut croire quand il s'agit de la religion. Car si nous accordons que croire et être crédule sont deux choses différentes, il ne s'ensuit pas que croire, quand il s'agit de religion, ne soit pas blâmable. Ne pourrait-on pas dire que croire et être crédule sont mauvais tous deux, comme être ivre et1êtreivrogne? - Quand on a une pareille opinion, on ne peut selon moi avoir d'ami. Si en effet il est honteux de croire quelque chose, ou bien on a tort de donner sa confiance à un ami, ou bien, en ne lui donnant pas sa confiance, je ne vois pas comment on appellera du nom d'ami ou soi-même ou quelque autre. Ici tu me diras peut-être j'avoue que quelquefois il faut croire; mais fais-moi voir qu'en fait de religion, il n'y a pas de honte à croire avant de savoir. - Je vais essayer, si je puis. Je te demanderai donc ce que tu crois être le plus blâmable, d'enseigner la religion à un homme indigne, ou de croire ce que disent ceux qui l'enseignent. Tu ne comprends peut-être pas ce que j'entends par indigne; j'appelle ainsi l'homme qui vient à la religion avec un coeur dissimulé. Tu m'accorderas, je pense, qu'il y a bien plus de mal à découvrir à un tel homme les saints mystères, qu'à avoir confiance en des hommes religieux qui affirment quelque chose sur la religion même. En effet, ce serait mal à toi de répondre autrement. Suppose maintenant que tu as devant toi un homme qui va L'apprendre la religion; de quelle manière lui prouveras-tu que tu vas l'écouter avec sincérité, et qu'il n'y a en toi ni mauvaise foi ni feinte en ce qui a trait à la religion? Tu diras, la main sur la conscience, que tu es parfaitement sincère, tu l'affirmeras avec des paroles de toutes tes forces, mais enfin ce ne seront que des paroles. Car tu ne saurais ouvrir à ton semblable le fond de ton âme pour qu'il y lise dans les replis les plus intimes. Mais s'il te dit En vérité je vous crois; or n'est-il pas plus juste que vous me croyiez aussi, puisque vous allez recevoir de moi un bienfait, s'il est vrai que je possède quelque chose de la vérité? Ne répondras-tu pas que tu dois le croire? 24. Mais, diras-tu, ne vaudrait-il pas mieux me donner la raison des choses, afin que, partout où cette raison me conduirait, je puisse la suivre sans craindre de m'égarer? C'est possible, mais il est bien difficile que tu arrives à la connaissance de Dieu par la raison. Dis-moi en effet, crois-tu tous les hommes capables de saisir les raisonnements par lesquels on conduit l'esprit humain à l'intelligence de la divinité? ou bien y en a-t-il un certain nombre, ou seulement fort peu? Fort peu, je crois, diras-tu. Crois-tu être du nombre? Tu diras ce n'est pas à moi à répondre à cette question. Tu crois donc que c'est encore ici au maître à te croire, ce qu'il fait du reste. Rappelle-toi seulement qu'il t'a déjà cru deux fois sans être certain de ta véracité, et toi, alors qu'il te parle,de religion, tu ne veux même pas le croire une seule fois! Mais supposons que tu viennes avec toute la sincérité de l'âme prendre des leçons sur la religion, et que tu sois du petit nombre de ces hommes capables de saisir les raisonnements par lesquels on arrive à la connaissance certaine de la nature divine; les autres hommes qui ne sont pas doués d'un esprit aussi heureux, devra-t-on leur refuser l'entrée de la religion, ou bien les conduire lentement et par degrés jusqu'au fond du sanctuaire? Tu vois tout de suite combien ce dernier parti est plus religieux. En effet, nul homme, désireux d'une chose aussi importante, ne saurait mériter à tes yeux qu'on l'abandonne ou qu'on le repousse. Mais n'es-tu pas d'avis que si cet homme ne croit d'abord parvenir à son but, s'il ne recoure à la prière, et ne se purifie par un certain genre de vie en se soumettant à quelques préceptes élevés et nécessaires, il ne saurait comprendre une doctrine qui est la vérité pure? C'est ta pensée sans doute. Eh bien l ces autres hommes dans la classe desquels je veux bien te ranger, qui peuvent par une raison infaillible saisir très-facilement les secrets divins, quel inconvénient pour eux d'arriver par le chemin que suivent ceux qui commencent par croire? Aucun assurément. Mais cependant, diras-tu, à quoi bon les retarder? Parce que, si leur conduite rie leur nuit pas à eux-mêmes, leur exemple ne laisserait pas de nuire aux autres. Car bien peu d'hommes sentent ce dont ils sont vraiment capables le pusillanime a besoin d'être poussé, le présomptueux, d'être retenu; afin que l'un ne succombe pas au désespoirs et que l'autre ne soit pas emporté par sa témérité; ce qui est 46 facile à obtenir, si ceux mêmes qui peuvent voler, sont obligés, pour n'être pas un stimulant dangereux, de marcher quelque temps dans la voie qui offre aux autres pleine est la prévoyance de la vraie religion; tel est l'ordre de la divinité, telle est la tradition de la bienheureuse antiquité, tradition conservée jusqu'à nous. Vouloir y porter le trouble et le désordre, c'est tout simplement chercher une voie sacrilège pour arriver à la vraie religion. Ceux qui agissent ainsi ne peuvent arriver à leur but, quand même on admettrait leurs prétentions. Eussent-ils en effet le génie le plus élevé, si Dieu ne les soutient, ils rampent à terre. Or, Dieu nous soutient si, quand nous cherchons à le connaître, nous ne perdons pas de vue la société humaine. Il n'y a pas pour pénétrer dans les secrets du ciel de moyen plus sûr que celui-là. Pour loi, je n'ai rien à répandre à une pareille raison. Comment dire en effet que l'on ne doit jamais croire sans connaître, puisque, à moins de croire quelque chose qui ne peut être démontré d'une manière positive, il n'y a pas d'amitié possible, et que souvent les maîtres ajoutent foi aux comptes de leurs esclaves sans encourir de reproche? Or, quand il s'agit de la religion, quoi de plus étrange que de voir les prêtres du Seigneur nous croire, alors que nous leur promettons de les écouter sincèrement, tandis que nous, nous ne voulons pas croire à ce qu'ils enseignent? Enfin peut-il y avoir une voie plus salutaire que de se mettre d'abord en état de comprendre la vérité, en ajoutant foi à des choses que la volonté divine a établies pour préparer et prédisposer notre âme? ou bien, si l'on est déjà parfaitement propre à comprendre la vérité, d'avancer quelque temps sur une voie parfaitement sûre, plutôt que d'être pour soi-même une cause de danger, et pour les autres un exemple de témérité?CHAPITRE 11. L'INTELLIGENCE, LA FOI ET L'OPINION. 25. Reste à considérer pour quel motif ne doivent pas être suivis ceux qui promettent de nous conduire par 1a raison. Déjà nous avons dit comment on peut, sans être blâmable, suivre ceux qui nous ordonnent de croire; quant à ces panégyristes de la raison, quelques personnes pensent qu'en allant à eux, loin de mériter des reproches, elles font au contraire une action louable. Mais c'est une erreur. Il y a dans la religion deux sortes de gens dignes d'éloge les uns qui ont déjà trouvé la vérité, et ceux-là, il faut les considérer aussi comme très-heureux; les autres qui la cherchent avec beaucoup d'ardeur et de loyauté. Les premiers sont donc déjà en possession de la vérité, les autres sont seulement sur le chemin, mais avec la certitude d'y arriver. Le reste des hommes forme trois classes, qui toutes ne méritent que la réprobation et l'anathème. L'une est celle des hommes qui n'ont que des opinions, c'est-à-dire, qui croient savoir ce qu'ils ne savent pas La seconde comprend ceux qui sentent, il est vrai, qu'ils ne savent pas, mais qui ne s'occupent pas des moyens de trouver. La troisième se compose de ceux qui, sans se figurer qu'ils savent, ne veulent pas chercher. Il y a pareillement dans les esprits humains trois faits analogues et bien dignes d'être remarqués; ce sont comprendre, croire, penser. A les considérer en eux-mêmes, le premier n'est jamais blâmable, le second l'est quelquefois seulement, le troisième toujours. En effet, il y a un grand bonheur à comprendre les choses grandes, honnêtes, divines. Comprendre des choses superflues ne nuit en rien; seulement on s'est peut-être fait tort en les apprenant, parce qu'on leur a sacrifié des études nécessaires. Pour les choses nuisibles, il est malheureux non de les comprendre, mais de les commettre ou de les subir. Qu'un homme sache comment ses ennemis peuvent être tués sans danger pour lui, ce n'est pas le fait de savoir, c'est le désir qui le rend coupable; s'il n'a pas ce désir, qu'y a-t-il de plus innocent que lui? Quant au fait de croire, il est blâmable lorsque -l'on croit sur Dieu quelque chose d'indigne de lui, ou que l'on croit sur l'homme à la légère. Dans tout le reste on n'est pas blâmable de croire quelque chose, si on comprend qu'on ne sait pas cette chose. Je crois, par exemple, que des scélérats conjurés contre Rome ont péri jadis, grâce au courage de Cicéron; or non-seulement je ne sais pas cela, mais même je sais positivement qu'il m'est impossible de le savoir. Quant à se faire des opinions, c'est pour deux motifs une chose très-blâmable, parce qu'on ne peut apprendre quand on s'est persuadé qu'on sait déjà, si toutefois la chose peut être apprise; et que par elle-même la légèreté est le signe d'un 47 esprit mal fait. Un homme a beau croire qu'il sait le trait que je viens de citer sur Cicéron, du reste rien ne l'empêche d'apprendre ce trait, bien qu'il soit impossible d'en constater la certitude scientifique,, comme il ne comprend pas qu'il y a une grande différence entre connaître une chose par un procédé certain de l'intelligence, ce que nous appelons comprendre, et confier utilement cette chose à la renommée ou aux lettres pour qu'elle soit crue de la postérité, cet homme certainement se trompe, et il n'est pas d'erreur qui n'entraîne un blâme. Ainsi donc, ce que nous comprenons, nous le devons à la raison; ce que nous croyons, à l'autorité; ce que nous nous figurons, à l'erreur. Mais tout homme qui comprend, croit; il en est de même de quiconque se figure une chose; tandis que l'homme qui croit ne comprend pas toujours, et que celui qui se figure une chose ne comprend jamais. Si donc nous rapprochons ces trois choses des cinq espèces de gens dont nous avons parlé un peu plus haut, et dont les deux premières méritent les éloges, tandis que les trois autres sont blâmables; nous trouvons que la première espèce, celle des heureux, croit à la vérité, et que la seconde espèce, composée d'hommes désireux et amateurs de la vérité, croit à l'autorité. Chez ces deux espèces d'hommes la croyance est la première classe des gens blâmables, composée de ceux qui se figurent savoir ce qu'ils ne savent pas, il y a certainement une crédulité répréhensible. Les deux autres classes qui méritent la réprobation, ne croient rien ce sont ceux qui cherchent la vérité sans espoir de la trouver, et ceux qui ne la cherchent pas du tout. Il ne s'agit ici que de choses qui ont rapport à quelque science; car dans tout le reste de la vie, je ne vois pas comment un homme pourrait ne rien croire. Du reste ceux qui dans leurs actes disent qu'ils n'admettent que des probabilités, veulent plutôt passer pour ne pouvoir rien savoir que pour ne rien croire. Qui en effet ne croit pas ce qu'il approuve? ou comment ce qu'on admet, si on ne l'approuve pas, peut-il être probable? Ainsi donc on peut compter deux espèces d'adversaires de la vérité l'une comprend ceux qui attaquent la science seule ment, mais non la foi; l'autre ceux qui condamnent ces deux choses. Ces derniers toutefois peuvent-ils se rencontrer dans la vie humaine, je l'ignore encore. Si je suis entré dans ces détails, c'est pour que nous voyions bien qu'avec la foi, même aux choses que nous ne comprenons pas encore, nous échappons à la légèreté des sceptiques. Car ceux qui disent qu'il ne faut rien croire que ce que nous savons, ne songent qu'à se prémunir contre cette qualification de sceptiques, qualification triste et honteuse, il faut l'avouer. Mais s'ils considéraient attentivement qu'il y a une grande différence entre se figurer que l'on sait, et croire sur la foi de quelque autorité ce, qu'on voit que l'on ne sait pas, ils éviteraient certainement tout reproche d'erreur, d'arrogance et d' XII. LA SOCIÉTÉ HUMAINE REPOSE SUR LA FOI. 26. Je le demande en effet si l'on ne doit pas croire ce qu'on ne sait pas, comment des enfants seront-ils soumis à leurs parents, et rendront-ils affection pour affection à des personnes qu'ils ne croiront pas être les auteurs de leurs jours? Car c'est là une chose que la raison est impuissante à faire connaître. En ce qui concerne le père, on croit sur l'intervention et l'autorité de la mère; pour la mère elle-même, on s'en rapporte non à son témoignage, mais à celui des sages-femmes, des nourrices, des serviteurs. Car celle à qui l'on peut dérober son fils pour lui en substituer un autre, ne peut-elle pas, étant trompée, tromper à son tour? Nous croyons cependant à ses paroles, et nous y croyons sans aucune hésitation, parce que nous avouons que nous ne pouvons savoir. Sans cela ne verrait-on pas la piété filiale, ce lien sacré de la société, dédaignée et outragée par le crime? En effet, quel homme est assez insensé pour trouver blâmable celui qui rendrait les devoirs d'usage aux personnes qu'il croirait être ses parents, dut-il se tromper? Qui, au contraire, ne jugerait digne d'extermination celui qui n'aurait pas le moindre amour pour des personnes qui sont peut-être ses parents véritables, parce qu'il craint que son amour ne se trompe d'objet? On peut donner bien des raisons qui prouvent que rien absolument dans la société ne reste debout, si nous sommes décidés à ne rien croire, parce que nous ne pouvons pas avoir une connaissance exacte. 27. Voici maintenant une chose dont j'espère 48 te persuader plus facilement. Quand il s'agit de la religion, c'est-à-dire du culte et de l'intelligence de la divinité, il ne faut pas suivre ceux qui nous défendent de croire en nous promettant si facilement la raison de tout. Personne n'ignore que parmi les hommes il n'y a que des insensés et des sages. J'appelle sages non pas ceux qui sont ingénieux et habiles, mais ceux qui ont, autant qu'il soit possible à l'homme, une connaissance sûre et nette de l'homme lui-même et de Dieu, et dont la vie et les moeurs sont conformes à cette connaissance; tous les autres, au contraire, quelle que soit leur manière de vivre, active ou désoeuvrée, estimable ou blâmable, je les mets au rang des insensés. Les choses étant ainsi, quel homme est assez peu intelligent pour ne pas voir clairement qu'il est plus utile pour les insensés et plus salutaire de se conformer aux préceptes des sages, que de vivre selon leurs propres lumières? Car toute action qui n'est pas bonne est un péché, et il est impossible que ce qui ne vient pas de la droite raison, soit bien. Or la droite raison, c'est la vertu même. Et dans quel homme trouvera-t-on la vertu, si elle n'est pas dans l'âme du sage? Ainsi donc le sage seul ne pèche pas. Par suite tout insensé pèche, si ce n'est dans les actes où il obéit au sage; car les actes de ce genre viennent de la droite raison, et l'insensé ne doit pas être considéré comme le maître de son action, si je puis parler ainsi, quand il est comme l'instrument et le serviteur du sage. Par conséquent, si pour tous les hommes il vaut mieux ne pas pécher que pécher; tous les insensés assurément vivraient mieux, s'ils pouvaient être les serviteurs des sages. Si ce point est sans contredit d'une grande utilité quand il s'agit de choses moins importantes, comme d'acheter ou cultiver un champ, de se marier, d'avoir et d'élever des enfants, enfin d'administrer sa fortune, combien n'est-il pas plus utile quand il s'agit de la religion? Car les choses humaines sont plus faciles à connaître que les choses divines, et dans toutes celles qui ont un caractère plus prononcé de sainteté et de grandeur, le péché est d'autant plus criminel et plus à craindre que nous devons avoir pour ces choses plus de déférence et de respect. Tu vois donc immédiatement que, tant que nous sommes insensés, si nous avons à coeur de mener une vie pure et religieuse, il ne nous reste qu'une chose à faire, chercher des sages dont les conseils puissent nous servir à sentir vivement le joug de notre folie, pendant qu'il pèse sur nous, et à nous en débarrasser un jour. Augustin, de l'utilité de la foi. - CHAPITRE VII. OU CHERCHER LA RELIGION VÉRITABLE?

avons nous le devoir de chercher la verite